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C’était à Bethléem… ou peut-être en Provence… La grotte qui servait d’étable retrouvait peu à peu son calme…

 

 

En effet, quelques jours plus tôt, dei Pastre, des bergers, avait été avertis par un Ange du Seigneur :

« Ne craignez pas, car voici que je viens vous annoncer une bonne nouvelle, une grande joie pour tout le peuple : Aujourd'hui vous est né un Sauveur, dans la ville de David. Il est le Messie, le Seigneur. Et voilà le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » (Lc 2,10-12)

 

Ils décidèrent donc de se rendre à Bethléem… à moins que ce ne soit dans un village au pied des Alpilles, ou de la Sainte-Baume, ou de la Sainte-Victoire, ou pourquoi pas des Maurettes…

 

Là, « ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans une mangeoire. Après l'avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant. Et tout le monde s'étonnait de ce que racontaient les bergers. » (Lc 2,16-18)

 

 

Oui, tout le monde, car comme le dit la Tradition provençale de la Crèche, « La Pastorale », tous les habitants du village vinrent rendre hommage à l’Enfant-Jésus. Quel joyeux  défilé ! Chacun, chacune y allait de son petit compliment et offrait de petits présents :

l’arlatenco, lou gardian, lou boumian, la bugadiero, lou ravi,

lou papé et lou pichoun, lou viei et la vièio, lou cassaire, lou pescadou,

l’estrassaire, lou tambourinaire, lou fifraire, l'amoulaire, lou móunié, lou conse,

lou pousatié, la fremo a la cabro, Bartoumièu, lou cercaire de rabasso,

lou pistachié, la peissouniero, lou banastaire, l'estamaire,

lou pourtarié d'aigo, lou bouscatié, lou carbounié, la jardiniero,

lou masié et la masièro, l’avugle et soun fiéu, lou noutàri,

la bouquetiero, lou vigneiroun, lou felibre, lou terraié,

lou ramounaire, la fremo au calèn, l’ome au fanau, lou mèstre d’escolo,

lou sabatié, la fremo a la fougasso, la galiniero, lou cadieraire,

lei nòvi, la fremo a la treno d’aiet, lou quincaié, l’apicultour,

la fielarello, la courduriero, la moudisto, lou fatour, lou fustié, lou roudié,

même l’ibrougno, même lou bracounié et lou bregand  arrêtés par  lou gendarmo, et lou feiniant, et même (oui !) lei jougaire de bocho ! *…

Villageois, Villageoises, ils étaient tous là !!!!!

« Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur. » (Lc 2,19)

 

 

 

Puis, quelques temps après, une étoile avait guidé de mystérieux Mages venus d’Orient. Une très ancienne Tradition les a appelés Gaspar, Melchior et Balthazar :

« En entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à genoux, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l'or, de l'encens et de la myrrhe. » (Lc 2,11) Après avoir adoré l’Enfant, ils regagnèrent leur pays lointain par une autre route.

 

« Ouf !!! Enfin un peu de calme et de tranquillité ! », ont du se dire Joseph et Marie. Les dernières personnes avaient quitté l’étable. La Vierge avait bordé la paille, l’enfant  allait dormir enfin…

 

 

Doucement, ce qui faisait office de porte s’ouvrit, poussé, eût-on dit, par un souffle plus que par une main. Un homme et une femme, couverts de haillons, parurent sur le seuil, si vieux, si voûtés, si ridés que, dans leur visage couleur de terre, leur bouche semblait n’être qu’une ride de plus. Seuls leurs yeux paraissaient « vivants ».

 

En les voyant, Marie eut un petit mouvement de recul, et Joseph se leva d’un bond, comme si ç’eut été des fantômes qui entraient. Heureusement Jésus dormait ! L’âne et le bœuf mâchaient paisiblement leur foin et regardaient s’avancer le couple d’étrangers sans marquer plus d’étonnement, un peu comme s’ils les connaissaient depuis toujours. La Vierge, elle, ne les quittait pas des yeux. Chacun des pas qu’ils faisaient lui semblait long comme des siècles.

 

Les deux vieillards continuaient d’avancer, et voici maintenant qu’ils étaient tout à côté de la mangeoire. Grâce à Dieu, Jésus dormait toujours.

 

Soudain, le bébé ouvrit les paupières, et sa mère fut bien étonnée de voir que les yeux de cet homme et de cette femme et ceux de son enfant étaient exactement pareils et brillaient du même éclat, de la même vie, de la même espérance… du même sang ?

 

L’homme et la femme se penchèrent alors sur la mangeoire où reposait l’Enfant avec beaucoup de respect et d’amour à la fois, un peu comme des grands-parents sur le berceau de leur petit-enfant. Puis la main de la vieille alla chercher dans le fouillis de ses guenilles quelque chose qu’elle sembla mettre des siècles encore à trouver. Marie les regardait toujours avec la même inquiétude. Les bêtes les regardaient aussi, mais toujours sans surprise, comme si elles savaient par avance ce qui allait arriver.

 

Enfin, au bout de très longtemps, la femme finit par tirer de ses hardes un objet caché dans sa main qu’elle remit précieusement à l’Enfant-Jésus.

 

Après les offrandes des bergers, les cadeaux des villageois et les trésors des Mages, quel était donc ce présent si énigmatique ?

 

Ce couple de vieillards, d’où il était, Marie et Joseph ne le savait pas. Ils voyaient seulement leur dos courbé par l’âge, et qui se courbait plus encore en se penchant sur le berceau. Mais l’âne et le bœuf, eux, voyaient tout ça et ne s’étonnaient toujours pas.

 

Cela dura encore bien longtemps. Puis la vieille femme se releva, comme ressuscitée, allégée du poids très lourd qui la faisait s’incliner vers la terre. Ses épaules n’étaient plus voûtées, sa tête touchait presque le haut de la grotte, son visage avait retrouvé miraculeusement sa jeunesse. L’homme aussi, d’ailleurs ! Et quand ils s’écartèrent du berceau pour regagner la porte et disparaître dans la nuit d’où ils étaient venus, Marie et Joseph purent voir enfin ce qu’était ce mystérieux présent et ceux qui l’avaient apporté.

 

Eve, sous le regard attendri d’Adam – car c’étaient eux ! – venait de remettre à l’enfant un fruit… mais pas n’importe quel fruit… un fruit tant convoité… un fruit qu’Eve trouvait agréable à regarder, bon à manger pour acquérir l’intelligence, le discernement !… un fruit qu’elle dégusta avec son mari... mais en fait, fruit du mensonge et de la tromperie, fruit du premier péché… et de tant d’autres qui suivirent... Et le fruit se mit à briller dans les petites mains du Nouveau-Né comme la promesse d’un monde qui venait de renaître avec lui, « le Seigneur Jésus Christ, qui s'est livré pour nos péchés afin de nous arracher à ce monde actuel et mauvais, selon la volonté de Dieu notre Père. » (Ga 1,3-4)

 

Oui, en Jésus, Dieu le Père s’est réconcilié avec l’humanité et a pardonné nos fautes ! Saint Jean nous le dit : « Or, vous savez que lui, Jésus, est apparu pour enlever les péchés, et qu'il n'y a pas de péché en lui. » (1 Jn 3,5)

 

                                               Bon Nouvè ! Joyeux Noël !

Noël 2008

Fr. B

*L’arlatenco : l’arlésienne

lou gardian : le gardian

lou boumian : le bohémien

la bugadiero ; la lavandière

lou ravi : le ravi, l’emerveillé

lou papé et lou pichoun : le grand-père et le petit

lou viei et la vièio : le vieux et la vieille

lou cassaïre : le chasseur

lou pescadou : le pêcheur

l’estrassaire : le chiffonnier

lou tambourinaire : le tambourinaire

lou fifraire : le joueur de fifre

l'amoulaire : le rémouleur

lou móunié : le meunier

lou conse : le Maire

lou pousatié : le puisatier

la fremo a la cabro : la femme à la chèvre

Bartoumièu : personnage sympathique et comique à l’allure négligée

lou cercaire de rabasso : le chercheur de truffes

lou pistachié : valet de ferme

la peissouniero : la poissonnière

lou banastaire : le vannier

l'estamaire : le rétameur

lou pourtarié d'aigo : le porteur d'eau

lou bouscatié : le bucheron

lou carbounié : le charbonnier

la jardiniero : la jardinière

lou masié et la masièro : le fermier et la fermière

l’avugle et soun fiéu : l’aveugle et son fils

lou noutàri : le notaire

la bouquetiero : la bouquetière

lou vigneiroun : le vigneron

lou felibre :le félibre (poète écrivain de notre Provence)

lou terraié : le potier

lou ramounaire : le ramoneur

la fremo au calèn : la femme à la lampe romaine

l’ome au fanau : l’homme au fanal (lanterne)

lou mèstre d’escolo : l’instituteur

lou sabatié : le cordonnier

la fremo à la fougasso : la femme à la fougasse

la galiniero : la marchande de volaille

lou cadieraire : le rempailleur

lei nòvi : les jeunes mariés

la fremo à la treno d’aiet : la femme à la tresse d’ail

lou quincaié : le quincaillier

l’apicultour : l’apiculteur

la fielarello : la fileuse

la courduriero : la couturière

la moudisto : la modiste

lou fatour : le facteur

lou fustié : le charpentier

lou roudié : le charron

l’ibrougno : l’ivrogne

lou bracounié, lou bregand  et lou gendarmo : le braconnier, le brigand et le gendarme

lou feiniant : le fainéant

lei jougaire de bocho : les joueurs de boules