Conte de Noël de lAmazonie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je dédie ce Conte au Père Louis Normandin, en mission au Brésil,

et à tous les Oblats de la Vierge Marie

 

 

 

 

 

 

 

Parti de Manaus, ville de l’Amazonie sur les rives du Rio Negro (au Nord-Ouest du Brésil), un petit groupe d’Oblats de la Vierge Marie naviguait sur le fleuve depuis plusieurs jours dans une barque propulsée par un vieux moteur toussotant. Les Pères allaient visiter une de leurs Missions au fin fond de la forêt équatoriale et fêter Noël.

 

 

Le voyage se passait à merveille. Un magnifique soleil réchauffait les corps quelques peu fatigués par ces jours de navigation malgré tout éprouvants.

 

Quand tout à coup, ils furent littéralement « engloutis » par une terrible tempête, un peu avant le coucher du soleil. Un véritable déluge de pluie et d’éclairs ! Leur frêle embarcation était ballottée par les eaux du fleuve en furie soulevées par un courant contraire et un vent extrêmement fort ! A force de coups de rames - le moteur ne fonctionnait plus -, les Pères atteignirent la rive, trempés jusqu’aux os !

 

 

 

 

 

 

Dès qu’ils posèrent le pied sur la terre ferme, les éléments déchaînés se calmèrent aussitôt ! Les Pères eurent l’impression de se retrouver dans un de ces films de science-fiction, comme dans un monde parallèle et inconnu ! Des milliers d’étoiles se mirent à scintiller, la lune était belle...

 

 

 

 

 

Bien qu’ils aient sillonné le fleuve des dizaines de fois, les Pères ne reconnaissaient pas cet endroit ! Mais où étaient-ils donc ?

 

Après s’être séchés auprès d’un feu et avoir repris leurs esprits, ils décidèrent d’aller un peu plus loin dans les terres, au cas où la tempête reprendrait. La lune éclairait leurs pas incertains dans cette forêt dense et endormie.

 

 

Après plusieurs heures de marche, les Pères entendirent des chants dont les paroles étaient de plus en plus distinctes à mesure qu’ils avançaient. C’était un mélange de latin et de langue amérindienne !!! Ils s’approchèrent d’une grande clairière et découvrirent un petit village...

 

Les habitants portaient tous des vêtements de fête faits de végétaux tressés et de plumes multicolores. Manifestement, ce village et sa communauté n’étaient pas « répertoriés » par les autorités brésiliennes ! Que faire ? Rester ? Retourner au fleuve ? La question ne se posa pas longtemps ! En effet, un enfant vint chercher nos Missionnaires et les conduisit au milieu des villageois, aussi surpris que les Pères de cette rencontre impromptue ! Leur dialecte ressemblait un peu aux langues « tupi-guarani » que certains Pères connaissaient. Ils se présentèrent à eux dans leur parler qu’un des Pères traduisit en Guarani par les « Tekove-ju-mombyry » - « les Hommes venus de loin ».

 

Puis ils emmenèrent les Religieux au milieu du village afin qu’ils participent à leur cérémonie. Le groupe s’avança près d’une hutte plus haute que les autres et surmontée d’une croix ! Oui, une croix ! Tout ceci était de plus en plus bizarre !

 

Au centre, se trouvaient, assis, un homme et une femme et entre eux un bébé !

 

 

 

 

 

 

Les chants reprirent, beaux, priants, irréels ! Chaque indigène déposa au pied de l’enfant un petit cadeau comme des fruits, des plumes, des bijoux, et se placèrent en arc de cercle devant la hutte.

 

Puis, venant de tous côtés, une multitude d’animaux de la forêt s’approcha du nouveau-né ! Les Prêtres étaient ébahis ! C’était tout simplement l’Arche de Noé, ou peut-être mieux, le Jardin d’Eden sud-amérindien des origines !!!

 

 

 

 

 

 

D’abord, ce fut un vol d’oiseaux qui vint rendre hommage : perroquets chamarrés et bavards comme les Aras rouges et les Aras hyacinthes, Colibris bigarrés et virevoltants, augustes Hérons coiffés, Ibis blancs hiératiques et Hoazins huppés bruyants, Sarcoramphe rois et Toucans aux becs impressionnants, Caracaras à tête jaune et Courlins bruns graciles, Balbuzards pêcheurs et Cormorans vigua, Tinamous rondelets et élégants, Nandous venus de la pampa argentine et Condors descendus des Andes...

 

Ensuite ce fut le tour d’une troupe de singes : minuscules Ouistitis mignons et grands Hurleurs rouges, Tamarins endimanchés et Ouakaris étranges, Sapajous acrobates et Douroucoulis aux grands yeux...

 

 

 

 

 

Puis arriva une étonnante colonne : Tamanoirs aux museaux immenses et Tatous caparaçonnés, Chiens des buissons énigmatiques et Kinkajous fascinants, Ours à lunettes ayant quitté leurs hauteurs péruviennes, Tapirs trapus et Pécaris grogneurs, Mazames rouges insaisissables et Loutres fuselées, Agoutis et Pacas malins et Capybaras gloutons, Iguanes dinosauriens et Anacondas inquiétants... Lamas, Alpagas, Vigognes et Guanacos dans leurs beaux manteaux de laine descendus de leur Cordillère... tout ce petit monde survolé par des Noctilions et autres Chauves-souris...

 

 

 

 

 

Après, déferla une vague bigarrée et joyeuse de Grenouilles, suivie de près par de soyeuses Mygales et d’une cohorte d’Invertébrés en tous genres...

 

Au-dessus de la hutte, accrochés à des branches, des Paresseux nonchalants regardaient la scène.

 

Les Pères n’en revenaient pas et se mirent à chanter :

« Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur ;

à lui haute gloire, louange éternelle ! »

 

Un dernier groupe arriva, majestueux : puissants et superbes Jaguars, gracieux Ocelots, sveltes Jaguarondis et redoutables Pumas.

 

 

 

 

 

Derrière la clairière coulait une rivière où même ses locataires voulurent célébrer la fête ! On pouvait y voir d’attendrissants Dauphins de l’Amazone, des Piranhas frénétiques et des Caïmans noirs, des Raies pastenagues agitant leurs « ailes aquatiques »...

 

 

 

Ces Amérindiens étaient chrétiens, à n’en pas douter ! Leur chef expliqua à nos Religieux - lorsqu’il y a l’amour et le respect du prochain, la langue n’est plus une barrière ! - qu’il y a longtemps, très très longtemps, leur tribu avait accueilli avec enthousiasme - et sans y être forcée - l’Evangile du Christ apporté par des « Robes Noires » (sûrement des Jésuites).

 

Malheureusement, des mercenaires à la solde d’avides esclavagistes espagnols et portugais voulurent attraper ces Indiens afin de les asservir. Aidés par les « Robes Noires », ils s’enfuirent très loin dans l’inextricable forêt, d’où le nom qu’ils s’étaient donnés : « les Hommes venus de loin » ! Ils gardèrent leur mode de vie si proche de la nature avec la foi à Jésus dans leur cœur ! Et depuis que leurs ancêtres avaient trouvé ce havre de paix, les parents baptisaient leurs enfants ! L’Eglise au milieu de l’Amazonie !

 

 

 

Le lendemain matin, Les Pères dirent adieu à leurs hôtes en les remerciant chaleureusement, leur laissant en cadeau un petit portrait, sauvé de la tempête, de la Vierge à l’Enfant...

 

 

Nos Missionnaires regagnèrent leur camp de fortune au bord du fleuve...

 

 

D’un commun accord, ils décidèrent de ne divulguer à personne leur aventure ni l’emplacement de ce village des « hommes venus de loin » !

 

 

 

 

 

Joyeux Noël ! Hory mitâ Tupâ arete !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Frère Bruno

Le 22 novembre 2011,

en la Mémoire de sainte Cécile

http://catesaintbenoit.free.fr

 

 

 

 

Crèche amazonienne montée et prise en photo par Frère Bruno (2011)