Enluminure de M. C. BURY

 

 

 

Saint Benoît et la Règle des Moines

Statue de la Basilique Saint-Pierre du Vatican, Rome

http://archeok.wordpress.com/

 

                                                                                                      

 

In memoriam

R. P. Dom Yves Le Floch, OSB

(1950-2001)

photo Fr. Bruno

 

 

 

PAX

 

 

 

 

 

 

 

P

arler de quelqu’un 1500 ans après sa disparition, lui attribuer les titres de « Patriarche des Moines d’Occident », « Père de l’Europe » (proclamé tel par le pape Pie XII en 1947) ou de « Patron de l’Europe » (proclamé tel par le Pape Paul VI le 24 octobre 1964), signifie qu’il s’agit bien d’un homme extraordinaire ! Mais si nous tentons de faire un portrait de saint Benoît à partir de connaissances historiques, nous risquons de rester sur notre faim.

 

 

 

 

Enluminure de Marie-Claude Bury

 

 

 

 

La Règle de saint Benoît

 

 

 

Codice Sangallese 914

Règle de saint Benoît [Manuscrit N° 914 de Saint-Gall (841), début du chapitre 43]

 

« De his qui ad Opus Dei vel ad mensam tarde occurrunt XLIII » 

« De ceux qui arrivent en retard à l’Œuvre de Dieu ou à la table XLIII »

« Ad horam divini officii, mox auditus fuerit signus... »

« A l'heure de l’Office Divin, dès  que le signal sera entendu… »

 

 

 

Chez saint Benoît, c’est l’œuvre qui se trouve au premier plan, l’homme s’efface derrière elle. C’est comme si Benoît continuait à vivre par sa « Regula Monachorum », la « Règle des Moines », qu’on appelle plus communément la « Règle de saint Benoît ».

 

« Oui, par sa Règle, Benoît se survit et nous parle encore ; il faut y voir son testament authentique. Pour ses fils qu’il a engendrés à la vie monastique, sa Règle est une relique bien plus précieuse que ses saints ossements, car avant la résurrection future ils peuvent périr ou être enlevés, tandis que sa parole - nous voulons dire la Règle qu'il a écrite et qui, depuis plus de quatorze siècles est répandue dans l'univers - est en quelque sorte immortelle et toujours féconde en fruits salutaires. » Ainsi écrivait Dom Prosper Guéranger (1805-1875), Père Abbé de l’Abbaye Saint-Pierre de Solesmes dans sa Préface à l' « Enchiridion benedictinum ». (C’est lui qui a restauré la vie bénédictine en France en 1833 en relevant le monastère de Solesmes.)

 

Dom Prosper Guéranger

catholicism.org/the-great-nineteenth.html

 

 

 

Saint Benoît a écrit la Règle des Moines à partir de 535, à l’Abbaye du Mont-Cassin fondée en 529. Elle compte un Prologue et soixante-treize Chapitres. Remarquable de discrétion, de mesure, d’équilibre, d’humanité, la Règle est le fruit d’une longue et lente maturation, comme un bon pain doré pétri par une grande expérience monastique et une connaissance aiguë de l’être humain.

 

 

 

Saint Grégoire le Grand

www.icrsp.org/.../gregoire_le_grand.htm

 

Le Pape saint Grégoire le Grand (540-604) a rédigé une biographie, ou plutôt une hagiographie de saint Benoît dans son « Deuxième Livre des Dialogues » (593).

 

 

 

                   NOTE 1

 

L’hagiographie est un genre littéraire qui veut mettre en avant le caractère de sainteté du personnage dont on raconte la vie ; l'hagiographe n'a pas d'abord une démarche d'historien dans le sens moderne du mot ; il mêle dans son ouvrage faits historiques, récits inspirés, voir même légendes ; les saints en effet sont réputés faire des miracles.

 

 

 

Le Pontife romain a écrit que Benoît « s’est fait connaître aussi, et de façon assez brillante, par sa parole doctrinale. En effet, il a écrit une Règle des moines remarquable par sa discrétion (mesure), dans un langage élégant. Si l’on veut connaître avec plus de précision sa façon de vivre : on peut trouver dans les leçons de cette Règle tous ce dont il a montré l’exemple en agissant, car le saint, sans nul doute, n’a pu enseigner d’une façon et vivre d’une autre. » (§ 36)

 

Et le Bénédictin Dom Anselm Grün, de l'Abbaye bavaroise de Münsterschwarzach, de renchérir, dans son livre « Saint Benoît - Un message pour aujourd’hui » :

« Cette Règle est ce que Benoît nous a laissé de plus précieux. Elle exprime la personnalité de Benoît et la manière dont il a vécu. »

 

Dom Anselm Grün

conventus-musicus-de.blogspot.com/2005/07/pat...

 

 

 

Saint Benoît a eu le génie de « faire du neuf avec du vieux » !

« Faire du neuf avec du vieux », cette expression me rappelle un passage de l’évangile selon saint Matthieu :

« Ainsi donc tout scribe devenu disciple du Royaume des Cieux est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et du vieux. » (Mt 13,52)

 

Garder les choses qui ont fait leurs preuves, en améliorer d’autres, en inventer de nouvelles, c’est ce que saint Benoît a eu la sagesse de faire !

 

 

En effet, le saint Abbé du Mont-Cassin connaissait bien certaines Règles monastiques antérieures à la sienne, comme par exemple la « Règle du Maître » qui daterait du premier quart du VI° siècle et rédigée dans la région de Rome, ou encore la « Règle de saint Basile » écrite vers 360 par Saint Basile le Grand (329-379). Il avait lu aussi les « Vies des Pères », les « Les Collations » ou « Conférences » de saint Jean Cassien (365-433)… A partir de toutes ces sources, le saint Patriarche a su créer une œuvre véritablement originale et personnelle !

 

 

Encore de nos jours, le saint Patriarche poursuit son action à travers sa Règle et l’organisation de la vie de milliers de moines et de moniales dans le monde entier, Bénédictins et Bénédictines, Camaldules, Vallombrosains, Cisterciens et Cisterciennes, Sylvestrins, Olivétains, Trappistes et Trappistines, Célestins (pendant un temps)… Saint Benoît a forgé un modèle de vie, jamais abandonné au cours des siècles, modèle vécu comme un moyen de s’accomplir, de s’épanouir dans la suite du Christ.

 

 

 

NOTE 2

 

- Les Bénédictins ont été fondés en 529 « directement » par saint Benoît, fêté le 21 mars (son trépas) et le 11 juillet (translation des Reliques). La première Abbaye « bénédictine » fut le Mont Cassin, mais les premiers monastères ont été érigés à Subiaco où le saint Patriarche avait vécu en ermite.

 

Saint Benoît et l’Abbaye du Mont Cassin, Italie

Photo de Fr. Bruno

 

 

Aujourd’hui la majorité des monastères bénédictins est affiliée à la Confédération Bénédictine. Cette Confédération, reconnue en 1893 par le bref apostolique « Summum semper » du pape Léon XIII, regroupe 21 Congrégations de l'Ordre de Saint Benoît, soit 8 000 moines. La Confédération a son siège à l’Abbaye primatiale Saint-Anselme, sur l’Aventin à Rome. Le neuvième et actuel Abbé Primat est Dom Notker Wolf (né en 1940).

 

Abbaye Saint-Anselme, Rome

www.osb-international.info/

 

 


Dom Notker Wolf

communio.stblogs.org/2008/10/

 

 

- Les Bénédictines, rattachées à la Confédération, sont regroupées en 840 Abbayes et autres monastères, avec 16 000 moniales et sœurs en 61 Congrégations et Fédérations. En 2001, il a été décidé d’employer l’ « expression » Communio Internationalis Benedictinarum - Communion Internationale des Bénédictines (CIB) pour désigner toutes les communautés de Bénédictines reconnues comme telles par l’Abbé Primat et inscrites au Catalogus Monasteriorum - Catalogue des Monastères –. A la tête de la conférence de la CIB est élue une Modératrice ; au 31 juillet, il s’agissait de Mère Judith Ann Heble, du Sacred Heart Monastery (Lisle IL, USA).

 

Sainte Scholastique (480-543), sœur de saint Benoît,

« Mère » des Bénédictines

santagatando.wordpress.com/.../

 

 

Abbaye du Mont-de-la-Rédemption (Mont-Laurier, Province du Québec)

www3.telebecinternet.com/.../lesmoniales.html

 

 

- Les Camaldules ont été fondés à Camaldoli, en Toscane, en 980 par saint Romuald (951-1027), fêté le 19 juin, et font partie de la Confédération Bénédictine depuis 1966 (une centaine de moines en 9 maisons). Une partie a été réformée en 1532 par le bienheureux Paul Giustiniani (1476- 1528), fêté le 25 juin, donnant naissance à la Congrégation de Monte-Corona (également une centaine de moines en 9 maisons).

Il existe depuis saint Romuald une branche de Moniales (réparties en 16 monastères).

                       

Saint Romuald

                                                                              www.medioevoinumbria.it/.../San-Romualdo.aspx

 

Ermitage de Camaldoli, Toscane

commons.wikimedia.org/wiki/File:Celle_di_cama...

 

 

Bienheureux Paul Giustiniani

www.camaldolese.org/home.php?cat=250

 

Ermitage de Frascati, Latium  (Congrégation de Monte-Corona)

 

 

- Les Vallombrosains ont été fondés à Vallombrosa (Vallombreuse), en Toscane, en 1039 par saint Jean Gualbert (vers 995-1073), fêté le 12 juillet, et font partie de la Confédération Bénédictine depuis 1966.

 

Saint Jean Gualbert

giornoxgiorno.myblog.it/tag/lars%20olof%20jon...

 

Abbaye de Vollombreuse, Toscane

www.breviary.net/.../propsaints0712.htm

 

 

- Les Cisterciens ont été fondés en 1098 à Cîteaux par saint Robert de Molesme (1029-111), saint Albéric (1050-1108) et saint Etienne Harding († 1134), fêtés le 26 janvier ; mais c’est surtout saint Bernard de Clairvaux (1090-1153), fêté le 20 août, qui a donné l’élan décisif.

 

Saint Robert de Molesme, Saint Albéric, Saint Etienne Harding

www.abbaye-tamie.com/.../janvier-a-tamie/

 

Saint Bernard de Clairvaux

Peinture en trompe-l’œil, église Saint-Lazare d’Avallon,

Photo Fr. Bruno, octobre 2009

 

Abbaye Notre-Dame de Cîteaux, église abbatiale, chœur des moines

Photo Fr. Bruno octobre 2009

 

 

- Les Bénédictins de Montevergine ont été fondés à Montevergine, en Campanie, en 1126 par saint Guillaume de Verceil (1085-1142), fêté le 25 juin. Ils sont affiliés à la Congrégation bénédictine de Subiaco depuis 1879, tout en restant autonomes.

 

Saint Guillaume de Verceil

www.statuesacre.net/map.htm

 

Abbaye de Montevergine, Campanie

www.travelbefore.it/visualizza.php?primo_live...

 

 

- Les Sylvestrins ont été fondés en 1231 à Montefano, dans les Marches, par saint Sylvestre Guzzolini (1177-1267), fêté le 26 novembre, et font partie de la Confédération Bénédictine depuis 1973.

 

 

Saint Sylvestre

www.osbsilv.org/default.asp?id=381

 

Abbaye de Montefano, Marches

http://sansilvestro.silvestrini.org

 

 

- Les Olivétains ont été fondés au Monte Oliveto Maggiore, en Toscane, en 1313 ou 1319 par saint Bernard Tolomeï (1272-1348), fêté le 19 août, et font partie de la Confédération Bénédictine depuis 1960.

 

Saint Bernard Tolomeï

www.svamonks.org/

 

Abbaye du Monte Oliveto Maggiore, Toscane

borghinascosti.wordpress.com/.../

 

 

- Les Oblates de Sainte-Françoise-Romaine ont été fondées à Rome en 1433 par sainte Françoise Romaine (1384-1440), fêtée le 9 mars ; elles sont affiliées aux Olivétains.

 

Sainte Françoise Romaine

www.tordespecchi.it

 

Monastère de Tor de’Specchi, Rome

www.tordespecchi.it

 

 

- Les Trappistes sont des Cisterciens réformés par l’Abbé Armand Jean Le Bouthillier de Rancé (1626-1700) à Soligny, dans l’Orne, en 1664.

 

Abbé Armand de Rancé

www.mediterranees.net/.../rigaud/bouillon.html

 

Abbaye de la Grande Trappe

fr.academic.ru/dic.nsf/frwiki/40382

 

 

- Les Céléstins, fondés à Monte Morrone, dans les Abruzzes, en 1254 par saint Pierre Célestin (1210-1296), fêté le 19 mai, se sont éteints en 1807.

 

Saint Pierre Célestin

blog.libero.it/templars/6493972.html

 

Abbaye de Monte Morrone, Abruzzes

www.amministratoriprovinciali.it/news.php?num...

 

 

 

 

« Aujourd’hui encore, écrit Dom Anselm Grün, cette Règle vit de l’esprit de Benoît, esprit qui nous transmet la liberté, l’ouverture, la douceur, la miséricorde, la force et la clarté. »

 

 

Tout au long des siècles depuis sa rédaction, la Règle de saint Benoît aura été recopiée et diffusée, vécue, « aimée », méditée et commentée par des générations et des générations de moines et de moniales. Des Coutumes, des Constitutions et des Déclarations ont adapté la Règle aux nécessités des temps, mais sans jamais en changer un seul chapitre !

 

 

Le Pape Paul VI, dans une allocution aux Abbés bénédictins, le 30 septembre 1966, avait dit :

« Votre Règle dégage une sagesse que les siècles n'ont pas ternie. »

 

 

Dom Victor Dammertz (1929), Abbé Primat émérite de la Confédération Bénédictine, n’a pas dit autre chose :

« Depuis quinze siècles, la Règle de saint Benoît a suscité dans l’Eglise des générations de moines et de moniales qui, ayant tout quitté, ont choisi de ne rien préférer à l’amour du Christ. »

Il ajoute, et ceci est très important pour les Laïcs qui voudraient vivre de l’esprit de saint Benoît :

« Mais la Règle, profondément enracinée dans la Parole de Dieu, s’adresse aussi aux hommes et aux femmes vivant dans notre monde inquiet et tourmenté, qui y trouveront un guide pour leur vie de tous les jours. »

 

Dom Victor Dammertz

www.inkamana.org/ohio/bishops.htm

 

 

 

Comme nous le verrons un peu plus loin, La Règle des Moines est un monument d’équilibre, non pas de rigidité, encore moins d’égalitarisme ! Un moine est différent d’un autre moine ! « Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat » (Mc 2,27) avait répondu Jésus à des Pharisiens, parce que, à leurs yeux, les disciples ne respectaient pas la Loi en ce qui concerne le sabbat. Une loi qui brime n’est pas une bonne loi ! La Règle est donc faite pour le moine, et non pas le moine pour la Règle ! La Règle de saint Benoît n’a ni la rigueur ni l’intransigeance de l’Etiquette de la Cour des Habsbourg ! Mais elle est exigeante, aimer est exigeant !

 

Dans ses commentaires de la Règle de saint Benoît, Dom Guillaume Jedrzejczak, Père Abbé de l’Abbaye du Mont-des-Cats, écrit, à propos du chapitre 37 (Des vieillards et des enfants) :

« Pour lui (saint Benoît), la Règle est une manière de vivre, un art de vivre vers lequel nous devons tendre, tout en tenant compte de la situation particulière de chaque personne. »

Dom Guillaume dit aussi :

« L’ambition de la Règle est de nous ouvrir un chemin qui nous conduise au Royaume. Il s’agit en fait d’une pédagogie du retour vers Dieu. Car la véritable difficulté qui se pose à nous, c’est de laisser la grâce faire son œuvre en nous, en évitant de lui faire écran par tous les désirs et les passions qui nous encombrent. Aussi la Règle est-elle une école de liberté intérieure qui, peu à peu, nous apprend à céder à l’Esprit Saint en nous aidant à distinguer notre volonté propre de la volonté de Dieu. Apprendre à vouloir ce que Dieu veut, tel est, en définitive, l’unique raison d’être de la Règle. » (Sur un chemin de liberté – Commentaires de la Règle de saint Benoît jour après jour)

Le Père Abbé du Mont-des-Cats a cette très belle expression :

« Ainsi, le monastère est un campement d’hommes qui se sont mis en route vers le Ciel. » Voulons-nous faire partie de cette sainte cordée ?

 

Dom Guillaume Jedrzejczak

www.annesigier.qc.ca/videos.html

 

 

Saint Benoît et sa Règle sont donc toujours pleinement d’actualité, je dirai même qu’ils constituent à eux deux un trésor universel de l’Eglise !

 

 

 

 

 

 

 

« Écoute, mon fils… »

 

 

 

 

 

 

 

www.eremosangiorgio.it/benedetto.htm

« Obsculta, o fili,

praecepta magistri,

et inclina aurem cordis tui,

et admonitionem pii patris libenter

excipe et efficaciter comple. »

Regula Sancti Benedicti

 

« Écoute, mon fils,

les préceptes du maître,

incline l'oreille de ton coeur !

Accepte volontiers la leçon d'un tendre père

et mets-là en pratique efficacement. »

Règle de Saint Benoît

 

« Ascolta, figlio mio,

gli insegnamenti del maestro

e apri docilmente il tuo cuore ;

accogli volentieri i consigli ispirati dal suo amore paterno

e mettili in pratica con impegno. »

Regola di San Benedetto

 

 

 

La Spiritualité bénédictine, qui se révèle dans chaque ligne de la Règle, n’est pas différente de la Spiritualité chrétienne, c’est « seulement » une manière monastique de la vivre !

 

 

 

En 1665, Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), Evêque de Meaux, dans son Panégyrique de saint Benoît avait dit à une communauté parisienne de Bénédictins :

« Cette règle, c'est un précis du christianisme, un docte et mystérieux abrégé de toute la doctrine de l'Evangile, de toutes les institutions des saints Pères, de tous les conseils de perfection. »

 

Jacques-Bénigne Bossuet

www.abbaye-saint-benoit.ch/bossuet/index.htm

 

 

 

C’est exactement ce que redira le Bienheureux Columba Marmion (1858-1923), Père Abbé de l’Abbaye Saint-Benoît de Maredsous en Belgique, dans son livre « Le Christ idéal du Moine » :

« Quand on examine la Règle de saint Benoît, il apparaît très nettement que celui-ci la présente comme un abrégé du Christianisme, comme un moyen de pratiquer dans sa plénitude et sa perfection la vie chrétienne… La Règle n’est, dans sa pensée, qu’un simple guide très assuré pour mener à Dieu. En l’écrivant, saint Benoît ne veut pas instituer quelque chose en dehors ni à côté de la vie chrétienne : il n’assigne à ses moines aucune œuvre spéciale comme but particulier à poursuivre ; le but, c’est comme il le dit, de “chercher Dieu” : “S’il cherche vraiment Dieu.” (RSB 58,7) »

Nous reparlerons plus en détails de cette recherche de Dieu un peu plus tard, dans les différents aspects de la Spiritualité de saint Benoît.

 

Bienheureux Columba Marmion

centro-de-estudios-sanbenito.blogspot.com/200…

 

 

 

Dom Pierre Miquel, Abbé émérite de l’Abbaye Saint-Martin de Ligugé, s’interroge :

« La Règle de saint Benoît a été écrite pour des moines : Regula monachorum. Faut-il être moine pour vivre de son esprit ? Ou peut-on s’inspirer de son esprit sans vivre la vie monastique ? L’esprit de saint Benoît est-il si étroitement lié à la lettre de la Règle qui porte son nom qu’il soit impossible de vivre la spiritualité bénédictine sans être moine ?

Mais par ailleurs, suffit-il de choisir son père spirituel parmi les Bénédictins, suffit-il de fréquenter assidûment un monastère bénédictin pour se réclamer d’une spiritualité bénédictine ? Des esprits exigeants pourraient trancher : on est moine ou on ne l’est pas ; toute forme de vie cherchant à s’inspirer de la vie monastique sans s’y engager de manière totale et définitive serait alors un compromis, un monachisme de deuxième choix.

 Cependant, puisque la vie monastique n’est pas différente de la vie chrétienne quant à l’essentiel : la rencontre du Christ, la docilité à l’Esprit, la recherche du Père, des hommes et des femmes vivant dans le monde ne peuvent-ils, sans vouloir pasticher la vie monastique, vivre intensément les valeurs chrétiennes dont vivent les moines ? »

 

 

 

Oui, la Règle de saint Benoît – et de ce fait, sa spiritualité – n’est pas réservée, à mon avis, aux seuls moines et moniales ! En effet, comme le rappelait Dom Victor Dammertz, elle peut être un guide, une lumière dans la vie des hommes et des femmes de notre temps. Je pense très sincèrement et très fortement qu’une personne vivant dans le monde peut s’inspirer de la Règle pour vivre sa vie chrétienne à l’école de saint Benoît, moyennant, bien sûr, quelques ajustements. Comme l’écrivait Dom Pierre Miquel, il ne s’agit pas de « plagier » la vie monastique !

 

 

 

A présent, écoutons notre Père saint Benoît lui-même dans son Prologue :

« Écoute, mon fils, les préceptes du maître, incline l'oreille de ton cœur ! Accepte volontiers la leçon d'un tendre père et mets-la en pratique efficacement, afin de revenir par le labeur de l’obéissance à celui dont tu t’étais éloigné par la négligence de la désobéissance. C’est à toi donc que s’adresse mon propos, à toi, qui que tu sois, renonçant à ta volonté propre et disposé à militer sous le Seigneur Christ, le vrai Roi, et qui prends les armes très puissantes et remarquable de l'obéissance. » (Prologue RSB, v. 1-3)

L’Homme de Dieu, fortement imprégné de la Bible, s’est sans doute inspiré de ces deux versets du Livre des Proverbes :

« Mon fils, accueille mes paroles, garde précieusement mes préceptes, rends ton oreille attentive à la sagesse, incline ton cœur vers la vérité. » (Pr 2,1-2)

 

 

Saint Benoît invite le moine et tout chrétien à écouter ! Il le fait d’une manière douce, se présentant lui-même comme « un tendre père ». Ces préceptes du maître et cette leçon d’un père sont destinés à tous. Benoît s’adresse à ceux qui n’ont rien de plus cher que le Christ. Il continue son exhortation :

« C'est pourquoi nous voulons organiser une école pour apprendre à servir le Seigneur. Dans cette école, nous l'espérons, nous n'imposerons rien de dur, rien de pénible. Pourtant, il y aura peut-être des choses un peu plus difficiles pour des raisons justes. En effet, il faut bien corriger les défauts et garder l'amour entre les frères. Mais ne te laisse pas tout de suite troubler par la peur et n'abandonne pas le chemin du salut. Au début il est toujours étroit. Mais, à mesure qu'on avance dans la vie religieuse et dans la foi, le cœur devient large. Et l'on se met à courir sur le chemin des commandements de Dieu, le cœur rempli d'un amour si doux qu'il n'y a pas de mots pour le dire. » (RSB Prologue v.45-49)

 

La conclusion de la Règle fait écho à ces quelques lignes du Prologue :

« Donc toi, c'est-à-dire tout homme qui se presse vers la patrie du ciel, pratique jusqu'au bout, avec l'aide du Christ, cette toute petite Règle écrite pour des débutants. Alors, avec la protection de Dieu, tu parviendras à ces sommets plus élevés d'enseignements et de vertus que nous venons de rappeler. Amen. » (RSB 73,8-9)

 

 

 

Par saint Benoît, c’est le Christ qui nous appelle, nous, qui que nous soyons !

Il n’y a « pas de privilège ni d’initiation spéciale préalable pour entrer dans cette “école du service du Seigneur”. » Une seule condition est nécessaire : il faut écouter la Parole de Dieu, la méditer, la mettre en pratique, y répondre chaque jour par nos actes.

 

Chantons donc avec le Psalmiste :

« Ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route… Déchiffrer ta parole illumine, et les simples comprennent » (Ps 118,105.130)

 

 

Saint Benoît écrivant la Règle des Moines

www.aiutonline.org/san-benedetto.htm

 

 

 

 

 

 

 

Quelques aspects de la Spiritualité

de saint Benoît

 

 

 

La Spiritualité de saint Benoît repose sur plusieurs points. Mais il ne faut pas voir dans l’ordre dans lequel ils ont été placés dans cet article une quelconque hiérarchie de valeur –  même si certains sont plus développés que d’autres dans la Sainte Règle – , excepté bien sûr, le premier aspect qui ouvre sur les tous autres.

 

En effet, pour saint Benoît, toute la vie du moine est sacrée : prière, repas, travail, repos, tout se fait sous le regard bienveillant de Dieu !

 

 

Le Père Jean-Baptiste Pélissier de Féligonde (1908-1983) – plus connu comme le Père Jean de Féligonde –, Moine bénédictin, écrivait dans une de ses lettres :

« Toute la spiritualité bénédictine consiste pour nous à rendre à Dieu sa place dans le monde et dans chacune de nos vies. »

Et dans son Panégyrique de saint Benoît :

« Pour le bénédictin rien n’est profane. Le sens aigu de la Grandeur de Dieu entraîne comme conséquence le sens de la Grandeur de l’homme et le sens de la communauté. »

 

Père Jean-Baptiste Pélissier de Féligonde

 

 

 

De plus, lorsque saint Benoît invite le moine à écouter – comme nous l’avons vu un peu plus haut –, il développe l’idée d’une écoute active. Dans le Prologue de sa Règle, il emploie bien des verbes de mouvement :

« Levons-nous donc enfin ! L’Ecriture nous réveille en disant : “C'est le moment de sortir du sommeil” (Rm 13,11). Ouvrons nos yeux à la lumière de Dieu…Courez pendant que vous avez la lumière de la vie. Alors la nuit de la mort ne vous surprendra pas. » (Prol RSB 8-9.13)

 

« Ainsi, telle est la caractéristique essentielle de la spiritualité monastique : saint Benoît ne décrit jamais des états mystiques, il ne parle que très peu de la prière et du cheminement intérieur à la découverte des profondeurs du cœur. Tout cela, il ne l’évoque que par allusions, avec des touches très brèves. Ce qui intéresse saint Benoît n’est pas la description de l’expérience spirituelle, mais le chemin pour y arriver. Sans doute considère-t-il qu’il ne sert à rien de parler de ces hauts degrés de la vie intérieure avant que nous ne les ayons expérimentés. Peut-être estime-t-il aussi qu’il est inutile d’en parler, une fois que nous les avons vécus, puisqu’il s’agit de tendre sans cesse en avant, sans s’arrêter à ce que nous expérimentons » nous dit Dom Guillaume.

 

 

Saint Benoît engage le moine à vivre intensément le moment présent, « vivre dans la présence de Dieu », comme le Seigneur lui-même avait invité Abraham :

« Je suis le Dieu tout-puissant, marche en ma présence et sois parfait. » (Gn 17,1)

 

Par contre, cette vie dans la présence divine doit se dérouler tout en regardant toujours plus loin, « toujours plus haut » - « altius semper », comme nous y invite la devise qui accompagne notre blason, à l’instar de l’Apôtre Paul :

« Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait ; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. Non, frères, je ne me flatte point d'avoir déjà saisi ; je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus. » (Ph 3,12-14)

 

Dom Guillaume poursuit :

« Cela donne donc une tonalité très spéciale à la spiritualité monastique, qui n’est pas un discours sur, mais un chemin vers. Celui qui s’y aventure, s’il écoute, au sens actif du terme comme le décrit saint Benoît, arrivera sûrement au port. Mais encore faut-il qu’il écoute ! »

 

 

Saint Benoît avait tout compris ! L’expérience de l’un n’est pas celle de l’autre… Pour le saint Patriarche, il y a un chemin unique qui monte, mais plusieurs façons de le gravir…

 

 

Nous parlerons donc dans cette étude, dans cette méditation, de :

 

- la recherche de Dieu 

- la Parole de Dieu et la “Lectio Divina” 

- l’Office divin – L’Œuvre de Dieu 

- la Prière 

- la Gloire de Dieu 

- le Signe de Croix 

- la “Discrétion” bénédictine (avec le discernement, la mesure,  

l’équilibre, la simplicité, l’humanité) 

- l’Ordre

- l’Obéissance

- l’Abbé

- le Travail

- le Respect du matériel

- l’Accueil

- le Silence

- l’Humilité et la Crainte de Dieu

- la PAIX

 

 

Statue de saint Benoît, Norcia (sa ville natale), Ombrie

Photo Fr. Bruno (avril 2008)

 

 

« Ecoutez ma voix, alors je serai votre Dieu et vous serez mon peuple.

Suivez en tout la voie que je vous prescris pour votre bonheur. »

(Jr 7,23)

 

Ô saint Benoît, montre-nous cette voie qu’il nous faut suivre pour notre bonheur !

 

 

 

 

La recherche de Dieu

 

 

Chercher Dieu ! Avoir soif de Dieu !... Tout au long de l’Ancien Testament, ces mots reviennent… comme un cri lancinant !

 

 

En voici quelques exemples :

 

 

        « Quant à toi, si tu recherches Dieu, si tu implores le Puissant, si tu es irréprochable et droit, dès maintenant il veillera sur toi et il restaurera ta place et ton droit. »

(Jb 8,5-6)

 

 

        « Qui montera sur la montagne du Seigneur ? Et qui se tiendra dans son lieu saint ? L'homme aux mains nettes, au cœur pur, son âme ne se porte pas vers des riens, il ne jure pas pour tromper. Il emportera la bénédiction du Seigneur et la justice du Dieu de son salut. C'est la race de ceux qui le cherchent, qui recherchent ta face, Dieu de Jacob. »

(Ps 23,3-6)

 

Le Mont du Temple (Jérusalem)

www.biblelieux.com/mont_du_temple.htm

 

 

        « Une chose qu'au Seigneur je demande, la chose que je cherche, c'est d'habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie, de savourer la douceur du Seigneur, de rechercher son palais… De toi mon cœur a dit “Cherche sa face.” C'est ta face, Seigneur, que je cherche, ne me cache point ta face. »

(Ps 26,4.8-9)

 

 

        « Comme languit une biche après les eaux vives, ainsi languit mon âme vers toi, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand irai-je et verrai-je la face de Dieu ? »

(Ps 41,2-3)

 

« Comme languit une biche… »

micromick.blogzoom.fr/.../

 

 

        « Dieu, c'est toi mon Dieu, je te cherche, mon âme a soif de toi, après toi languit ma chair, terre sèche, altérée, sans eau. »

(Ps 62,1)

 

 

        « Tirez gloire de son nom de sainteté, joie pour les cœurs qui cherchent le Seigneur ! Recherchez le Seigneur et sa force, sans relâche poursuivez sa face. »

(Ps 104,3-4)

 

 

        « De tout mon cœur c'est toi que je cherche, ne m'écarte pas de tes commandements. »

(Ps 118,10)

 

 

        « Donnez maintenant votre cœur et votre âme à la recherche du Seigneur, votre Dieu. Allez, bâtissez le sanctuaire du Seigneur votre Dieu, pour amener à cette maison construite au nom du Seigneur l'arche de l'alliance du Seigneur et les objets sacrés de Dieu. »

(1 Ch 22,19)

 

 

        « Le Seigneur est avec vous quand vous êtes avec lui. Quand vous le recherchez il se laisse trouver par vous, quand vous l'abandonnez il vous abandonne. »

(2 Ch 15,2)

 

 

         « Cherchez le Seigneur pendant qu'il se laisse trouver, invoquez-le pendant qu'il est proche. »

(Is 55,6)

 

 

        « Le Seigneur est bon pour qui se fie à lui, pour l'âme qui le cherche. »

(Lm 3,25)

 

 

        « Car ainsi parle le Seigneur à la maison d'Israël : Cherchez-moi et vous vivrez ! »

(Am 5,4)

 

 

         « Comme votre pensée fut d'égarement loin de Dieu, revenus à lui, recherchez-le dix fois plus fort. »

(Ba 4,28)

 

 

 

Dans le Nouveau Testament, cette recherche continue dans la personne de Jésus qui lui seul conduit au Père, ainsi que vers le Ciel :

 

 

        « Et il (Zachée) cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait à cause de la foule, car il était petit de taille. »

(Lc 19,3)

 

 

        « Jésus se retourna et, voyant qu'ils le suivaient, leur dit : “Que cherchez-vous ?” Ils lui dirent : “Rabbi - ce qui veut dire Maître -, où demeures-tu ?” Il leur dit : “Venez et voyez.” Ils vinrent donc et virent où il demeurait, et ils demeurèrent auprès de lui de jour-là.  »

(Jn 1,38)

 

« Maître, où demeures-tu ? »

homelies.catholiques.over-blog.com/article-26...

 

 

        « Du moment donc que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les choses d'en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. »

(Col 3,1)

 

La Sainte Trinité

www.prayforourleaders.com/WhyDidGodMakeYou.html

 

 

 

 

Dom Columba Marmion, cité plus haut, écrit ceci dans son ouvrage « Le Christ idéal du Moine » :

« N’oubliez jamais cette vérité : l’homme vaut ce qu’il cherche, ce à quoi il s’attache. »

 

Jésus n’a pas dit autre chose dans l’évangile selon saint Luc :

« Car où est votre trésor, là aussi sera votre cœur. » (Lc 12,34)

Ou encore dans la recherche du Royaume chez saint Matthieu :

« Le Royaume des Cieux est semblable à un trésor qui était caché dans un champ et qu'un homme vient à trouver : il le recache, s'en va ravi de joie vendre tout ce qu'il possède, et achète ce champ. Le Royaume des Cieux est encore semblable à un négociant en quête de perles fines : en ayant trouvé une de grand prix, il s'en est allé vendre tout ce qu'il possédait et il l'a achetée. » (Mt 13,44-46)

 

 

Oui ! Que cherchons-nous ? Qui cherchons-nous ? Comment cherchons-nous ?

 

Saint Benoît peut nous y aider ! N’a-t-il pas conduit à travers les siècles, par sa vie et sa Règle, des cohortes de moines, de moniales, de laïcs jusqu’à la Sainte Rencontre avec l’Admirable Trinité ?!

 

 

Saint Benoît parle de la recherche de Dieu  dans le Chapitre 7, « De l’humilité », en citant la Bible :

« Du haut du ciel, le Seigneur regarde toujours les enfants des hommes pour voir s'il y a quelqu'un de sage et qui cherche Dieu » (Ps 13, 2).  (RSB 7,27)

Cependant, c’est seulement au Chapitre 58, « De la manière de recevoir les frères », que Saint Benoît parle de la recherche de Dieu du futur moine.

 

 

Cette recherche de Dieu est très importante à ses yeux !

« On accordera pas une entrée facile à celui qui est nouvellement venu à la vie religieuse (littéralement : à la conversion). Mais comme dit l'apôtre : « Eprouvez les esprits pour voir s’ils sont de Dieu » (1 Jn 4,1). (RSB 58,1-2)

Après quelques rebuffades, le candidat est accepté à participer à la vie du monastère.

« On lui assignera un ancien qui soit apte à gagner les âmes, qui l’examine très attentivement. Il mettra toute sa sollicitude à voir s’il cherche vraiment Dieu, s’il est zélé pour l’Œuvre de Dieu (l’Office Divin), l’obéissance, les humiliations. On lui enseignera toutes les choses dures et difficiles par lesquelles on va à Dieu » (RSB 58,6-8)

 

 

Chercher Dieu appelle inévitablement une conversion, un changement radical de vie !

« La recherche de Dieu est un acte qui engage l’être tout entier. Les épreuves multipliées sous les pas de celui qui veut s’engager à suivre le Christ, et qui est invité à une lecture répétée de la Règle, afin que son engagement se fasse en toute connaissance de cause et en toute liberté, montrent qu’un certain renoncement, à l’exemple du Christ, est nécessaire pour que tout contrat établi parvienne à sa fin. » (« Benoît est vivant » - par et pour des laïcs d’aujourd’hui)

En effet, on lira au novice trois fois la Règle pendant son temps de probation. Si finalement le novice désire vraiment rester, il prononcera ses vœux monastiques :

« Celui qui doit être reçu promettra devant tous à l’oratoire, stabilité, conversion des mœurs (changement de vie) et obéissance. » (RSB 58,17)

 

 

 

Mais cette recherche de Dieu qui habite l’homme, ce désir de Dieu qui le « hante », viennent de beaucoup plus loin et de beaucoup plus profond à la fois ! On pourrait presque dire que c’est génétique !

Saint Benoît, dans le Prologue de la Règle, convie le moine à revenir par le labeur de l’obéissance à celui dont il s’était éloigné par la négligence de la désobéissance.

Revenir à Dieu ! C’est donc que l’homme s’en était éloigné ! Il nous faut remonter jusqu’aux premiers chapitre du Livre de la Genèse. Après avoir mangé le fruit qu’il ne fallait pas toucher, Adam et Eve « entendirent le pas du Seigneur Dieu qui se promenait dans le jardin à la brise du jour, et l'homme et sa femme se cachèrent devant le Seigneur Dieu parmi les arbres du jardin. Le Seigneur Dieu appela l'homme : “Où es-tu ?” dit-il. “J'ai entendu ton pas dans le jardin, répondit l'homme ; j'ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché.” » (Gn 3,8-10)

 

« Où es-tu ? »

www.beginningwithi.com/comments/2009/01/11/

 

 

Dieu cherchant l’homme ! « Où es-tu ? »

 

Dieu offrant à l’homme ce goût de Dieu !

 

 

« En créant l’homme à son image, Dieu lui-même a inscrit dans son cœur le désir de le voir. Même si un tel désir est ignoré de l’homme, Dieu ne cesse d’attirer l’homme à lui pour qu’il vive et trouve en Lui la plénitude de vérité et de bonheur qu’il ne cesse de chercher. Par nature et par vocation, l’homme est donc un être religieux, capable d’entrer en communion avec Dieu. Ce lien intime et vital avec Dieu confère à l’homme sa dignité fondamentale. » (Compendium du Catéchisme de l’Eglise Catholique § 2)

« Dès l’origine, Dieu s’est manifesté à nos premiers parents, Adam et Ève, et il les a invités à une communion intime avec Lui. Après leur chute, il n’a pas interrompu sa révélation et il a promis le salut pour toute leur descendance », continue le Compendium (id. § 7).

 

Cette recherche de Dieu est inscrite au plus intime de notre cœur, de notre conscience ! « Tu es grand, Seigneur, et louable hautement… Tu nous as faits pour toi et notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en toi » disait saint Augustin (354-430).

Nous sommes faits pour Dieu ! « Infiniment parfait et bienheureux en Lui-même, Dieu, dans un dessein de pure bonté, a librement créé l’homme pour le rendre participant de sa vie bienheureuse » (id. § 1).

Ce n’est pas rien ! Dieu, dans sa liberté souveraine et son amour incommensurable, souhaite que nous, les hommes, nous « coopérions » à sa béatitude ! La grâce de Dieu, n’est-ce pas la vie divine en nous ?

 

 

Le Prophète Isaïe écrivait :

« Cherchez le Seigneur pendant qu'il se laisse trouver, invoquez-le pendant qu'il est proche. Que le méchant abandonne sa voie et l'homme criminel ses pensées, qu'il revienne au Seigneur qui aura pitié de lui, à notre Dieu car il est riche en pardon. Car vos pensées ne sont pas mes pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, oracle du Seigneur. Autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant sont élevées mes voies au-dessus de vos voies, et mes pensées au-dessus de vos pensées. De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre, sans l'avoir fécondée et l'avoir fait germer pour fournir la semence au semeur et le pain à manger, ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j'ai voulu et réalisé l'objet de sa mission. Oui, vous partirez dans la joie et vous serez ramenés dans la paix. Les montagnes et les collines pousseront devant vous des cris de joie, et tous les arbres de la campagne battront des mains. Au lieu de l'épine croîtra le cyprès, au lieu de l'ortie croîtra le myrte, ce sera pour le Seigneur un renom, un signe éternel qui ne périra pas. » (Is 55,6-13)

Quel texte plein d’espérance ! Dieu nous cherche et nous le cherchons ! La rencontre est toute proche ! Hâtons-nous !!!

 

 

Rappelons-nous Moïse et le buisson ardent :

« Moïse faisait paître le petit bétail de Jéthro, son beau-père, prêtre de Madiân ; il l'emmena par-delà le désert et parvint à la montagne de Dieu, l'Horeb. L'Ange du Seigneur lui apparut, dans une flamme de feu, du milieu d'un buisson. Moïse regarda : le buisson était embrasé mais le buisson ne se consumait pas. Moïse dit : “Je vais faire un détour pour voir cet étrange spectacle, et pourquoi le buisson ne se consume pas.” Le Seigneur vit qu'il faisait un détour pour voir, et Dieu l'appela du milieu du buisson. “Moïse, Moïse”, dit-il, et il répondit : “Me voici.” Il dit : “N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.” Et il dit : “Je suis le Dieu de tes pères, le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob.” Alors Moïse se voila la face, car il craignait de fixer son regard sur Dieu. »  (Ex 3,1-6)

Moïse cherchait, mais c’est Dieu qui l’attirait !

 

Moïse et le Buisson ardent

www.pscmi.org/articoli/390/6-settembre-second...

 

 

Il en est de même pour Zachée et Jésus.

«  Entré dans Jéricho, il (Jésus) traversait la ville. Et voici un homme appelé du nom de Zachée ; c'était un chef de publicains, et qui était riche. Et il cherchait à voir qui était Jésus, mais il ne le pouvait à cause de la foule, car il était petit de taille. Il courut donc en avant et monta sur un sycomore pour voir Jésus, qui devait passer par là. Arrivé en cet endroit, Jésus leva les yeux et lui dit : “Zachée, descends vite, car il me faut aujourd'hui demeurer chez toi.” Et vite il descendit et le reçut avec joie. Ce que voyant, tous murmuraient et disaient : “Il est allé loger chez un homme pécheur !” Mais Zachée, debout, dit au Seigneur : “Voici, Seigneur, je vais donner la moitié de mes biens aux pauvres, et si j'ai extorqué quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple.” Et Jésus lui dit : “Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison, parce que lui aussi est un fils d'Abraham. Car le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu.” » (Lc 19,1-10)

Zachée cherchait à voir Jésus, mais c’est Jésus qui s’invita chez Zachée !

 

Jésus et Zachée

www.silvioottanelli.it/.../

 

 

 

Jésus nous cherche, Jésus nous attend, il ne nous force pas, il espère, simplement, que nous lui disions « oui » !

« Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu'un entend ma voix et ouvre la porte, j'entrerai chez lui pour souper, moi près de lui et lui près de moi. »  (Ap 3,20)

 

 

 

La recherche du moine, « s’il cherche vraiment Dieu » comme dit la Règle de notre Bienheureux Père, s’inscrit donc dans cette longue quête de l’humanité vis-à-vis de Dieu.

« Avec toute l'ardeur qui vient de l'Esprit Saint, désirons vivre avec Dieu pour toujours » (RSB 4,46) sans « rien préférer à l’amour du Christ. » (RSB 4,21)

 

 

Cette recherche de Dieu repose sur la confiance et l’espérance. Saint Benoît invite le moine à « mettre en Dieu son espérance » (RSB 4,41) « et ne jamais désespérer de la miséricorde de Dieu » (RSB 4,74).

 

 

« En trouvant Dieu, nous possèderons la joie. Nous sommes faits pour le bonheur, pour être heureux ; notre cœur a une capacité d’infini, mais il n’y a que Dieu seul qui puisse nous rassasier parfaitement… C’est pourquoi quand nous cherchons quelque chose en dehors de Dieu ou de sa volonté, nous ne trouvons pas le bonheur stable et parfait. » Méditons ces lignes de Dom Marmion !

 

 

 

NOTE 3

 

La « recherche de Dieu », d’après saint Bernard (1090-1153), Abbé Cistercien de l’Abbaye de Clairvaux, fêté le 20 août :

 

« Le bien suprême est la recherche de Dieu. Pour moi, je l'estime au-dessus de tous les biens de l'âme. Premier d'entre les dons, il est le commencement de tout progrès.

II ne vient pas s'ajouter â une vertu, et ne le cède à aucune. A quelle vertu s'ajouterait celle qu'aucune ne précède ? A laquelle céderait le pas celle qui est plutôt l'achèvement de toute vertu ?

A quelle vertu pourrait prétendre celui qui ne cherche pas Dieu ? Et à qui cherche Dieu comment assigner un terme dans cette recherche ? Cherchez toujours la face de Dieu. Sans doute parce que celui qui l'aura trouvé ne cessera pas, dit l'Ecriture, de le chercher.

C'est par le désir et non par des mouvements du corps que l'on va à Dieu. Or le bonheur d'avoir trouvé n'apaise pas un saint désir, mais l'avive. La perfection de la joie est-elle l'affaiblissement du désir ? Non, c'est l'huile sur le feu. Car le désir est une flamme. Oui, à la vérité, la joie sera complète, mais sans amener la fin du désir, ni par suite le terme de la recherche.

Essaye, si tu le peux, de te représenter le zèle de la recherche sans y joindre l'idée d'indigence ; de te représenter un désir sans mélange d'anxiété ? Puisque la présence exclut la recherche, l'abondance bannit le désir. »

(In cantica, Sermon 84,1)

 

Saint Bernard

                www.paradoxplace.com/.../Cistercians_Two.htm

 

        

Fr. Bruno

 

Le 26 janvier 2010,

En la Mémoire de Saint Robert de Molesme,

saint Albéric et saint Etienne Harding,

Abbés de Cîteaux

 

 

 

A suivre…