Dietrich Bonhoeffer, une figure d’espérance

(1906-1945)

 

 

 

 

 

 

Lors de la Deuxième Guerre Mondiale, de nombreux Allemands se sont dressés contre le régime nazi. Dietrich Bonhoeffer est un de ceux-là. Au milieu de l’ « enfer » – prison et camp de concentration –, ce jeune Pasteur a témoigné de sa foi et de son espérance en Jésus Christ. Au cœur de cette terrible épreuve, le Christ pour lui n’était pas indifférent à la souffrance humaine ; « En Jésus-Christ, la réalité divine est entré dans le monde ». Il fut un homme proche de tout croyant, et de ses frères en servitude. Après plusieurs interventions publiques contre le nazisme, il « partagea » leur vie de prisonnier. Il fut un homme de prière, militant pour la liberté et l’humanité de chacun, pour une Église et des croyants engagés dans le monde. Condamné à la pendaison, il mourut le 9 avril 1945, dans le camp de Flossenburg. Il était âgé de 39 ans.

 

 

Dietrich Bonhoeffer est né à Breslau (aujourd’hui Wroclaw en Pologne) le 4 février 1906, dans une famille de la grande bourgeoisie intellectuelle. Son père, Karl Bonhoeffer, était professeur de psychiatrie et de neurologie. Sa mère, Paula von Hase, était issue d’une famille aristocratique de pasteurs luthériens et de militaires. A 16 ans, Dietrich réussit son baccalauréat. De 1923 à 1927, il étudia la théologie, d’abord à l’Université de Tübingen puis à celle de Berlin. Il avait en effet décidé de devenir pasteur de l’Eglise luthérienne. Sa famille ne manifesta guère d’enthousiasme mais respecta son choix. Après la soutenance de sa thèse sur l’essence de l’Eglise, « Sanctorum Communio » (la Communion des Saints), il devint Docteur en Théologie à 23 ans et fut ordonné Pasteur le 15 novembre 1931.

 

Il fut un théologien ouvert au monde. Il réfléchit sur la réalité de l'Église dans une perspective très luthérienne, en mettant au centre de sa pensée la faiblesse du Christ sur la croix. Très jeune, il écrivit de brillantes thèses universitaires sur l'Église comme corps mystique du Christ, qui le firent remarquer dans le milieu universitaire où il commença à enseigner. Parallèlement à son enseignement, il s'engagea dans le mouvement œcuménique et international protestant, et noua de précieux contacts avec les Églises étrangères. Il fut étudiant aux Etats-Unis et pasteur stagiaire à Barcelone. Il s'engagea aussi auprès d'enfants d'un quartier défavorisé de Berlin.

 

 

 Après un séjour à Londres comme pasteur de la communauté allemande, Bonhoeffer revint en Allemagne. Il se révéla être un théologien engagé, luttant pour que l'Église protestante résistât à la nazification. Le 30 janvier 1933, Adolph Hitler arriva au pouvoir, appelé à la Chancellerie du Reich par le Maréchal Hindenburg.

Dès le 1° février, Bonhoeffer dénonça, dans une allocution radiodiffusée, la prétention de souveraineté totale du Führer et le caractère idolâtre du régime nazi. Son émission fut immédiatement interrompue !

 

 

En face d’une Eglise « officielle » et « acoquinée » (le mot est faible !) avec ce régime autoritaire et raciste, les « chrétiens allemands », naquit l’Eglise « confessante » dont Bonhoeffer fut l'un des fondateurs et animateurs. Il fut aussi l'un des seuls théologiens de son époque à s'opposer à la marginalisation, puis à la persécution des juifs – il publia un article contre l'antisémitisme –. Alors que les « chrétiens allemands » acceptaient le « paragraphe aryen » qui interdisait à tout pasteur d’origine juive d’exercer un ministère dans l’Eglise et à tout juif de travailler dans la fonction publique, Bonhoeffer refusa toute compromission. Dans une conférence publique, il affirma l’impossibilité d’appartenir à une Eglise qui acceptait l’exclusion des juifs et invita à la résistance contre un Etat qui les persécutait délibérément. Pour lui, vie, œuvre et foi étaient indissolublement liées !

 

 

De 1935 à 1937, il dirigea le séminaire clandestin de Finkenwalde en Poméranie, qui avait pour but de former les futurs pasteurs de l'Église confessante. C'est là qu'il écrivit deux livres fondamentaux, « Le prix de la Grâce », sur la Grâce qui coûte et la nécessité de suivre le Christ y compris dans la souffrance, et « De la vie communautaire », qui retrace l'expérience presque monastique de la vie au séminaire confessant. Le séminaire fut fermé en septembre 1937 sur ordre de Heinrich Himmler. De plus en plus menacé par le régime, il se décida à gagner les Etats-Unis en 1939 pour un poste d'enseignant que des amis lui offraient mais il retourna très vite dans son pays, à la veille de la guerre : « Je dois traverser cette période difficile de notre histoire nationale avec les chrétiens d’Allemagne ».

 

Il fut bientôt interdit de parole et de publication. Il continua, cependant, une intense activité souvent souterraine au sein de l'Église confessante. Bonhoeffer, conscient du fait qu’une résistance ecclésiastique ne pourrait à elle seule renverser le régime prit des contacts avec des réseaux de résistance, grâce à la complicité de membres de sa famille, haut placés dans l'administration allemande. Il entra ainsi en relation avec le groupe de résistance formé au sein du contre-espionnage. Afin que ses activités ne soient pas découvertes par la gestapo, il obtint alors un poste d’agent secret, ce qui lui permit d’entreprendre des voyages à l’étranger sous cette couverture. C’est ainsi qu’il put prendre contact avec des résistants, notamment des ecclésiastiques, à l’étranger. En 1940, Bonhoeffer s'engagea dans la conjuration contre Hitler.

 

Le 13 janvier 1943, Dietrich se fiança avec Maria von Wedemeyer.

 

 

Il fut arrêté par la Gestapo le 5 avril 1943 et incarcéré à la prison militaire de Berlin-Tegel. Il pourra, heureusement, recevoir des visites de sa famille. En prison, il écrivit quelques unes de ses plus belles pages… Il prédit l'émergence d'un monde dans lequel « l'hypothèse Dieu » n'existerait plus, et jeta les bases d'une nouvelle manière de penser Dieu et de parler de lui. Certains ont voulu voir en lui « un apôtre de la sécularisation ». C'est oublier que Bonhoeffer, même en prison, avait une vie spirituelle très intense, nourrie par la prière et la lecture régulière de la Bible. Il n'a cessé d'espérer en l'avenir d'un monde autre, un monde de paix, réconcilié avec lui-même et avec Dieu…

 

Dietrich Bonhoeffer, dans la cour de la prison de Berlin-Tegel

 

 

Le 8 octobre 1944, il fut amené à la Prinz-Albrecht-Straße, « dans les sinistres geôles de la Gestapo ». Le 7 février 1945, il fut transporté à Buchenwald, camp de concentration créé près de Weimar en Thuringe en juillet 1937. De là, il fut transféré à Flossenburg, camp de concentration créé en mai 1938 près de Bayreuth dans les montagnes de Haute-Bavière. Après un simulacre de procès, il fut condamné à mort et pendu le 9 avril 1945 sur l'ordre personnel de Hitler.

 

 

 

La Spiritualité du Pasteur Dietrich Bonhoeffer

 

Dietrich Bonhoeffer a influencé la théologie et la spiritualité contemporaines. Il est connu, étudié, traduit sur les cinq continents. Il est l'un des grands théologiens protestants du XX° siècle, et sans doute le plus attachant. L'Église catholique elle-même a reconnu cette grande figure croyante, en qui elle voit un témoin courageux de la foi aux prises avec les idéologies modernes et totalitaires. C'est donc autant le témoignage d'une vie chrétienne exemplaire et courageuse que la profondeur de sa pensée théologique que l'on garde en mémoire.

 

 

Lorsqu’il était en prison, Bonhoeffer était environné de gens dont les préoccupations religieuses étaient bien secondaires. Lui-même était coupé de ses attaches ecclésiales. Une question se mit dès lors, comme il le dit lui-même, à le préoccuper constamment :

« Qui est le Christ pour nous aujourd'hui ? »

 

D’après notre Pasteur, il ne s'agit plus de déterminer qu'est-ce qui est encore croyable pour la foi, mais qui est Jésus-Christ pour nous aujourd'hui !

« La question de savoir ce qu’est le christianisme et qui est le Christ, pour nous aujourd’hui, me préoccupe constamment. Le temps où on pouvait tout dire aux hommes, par des paroles théologiques ou pieuses, est passé, comme le temps de l’intériorité et de la conscience, c’est-à-dire le temps de la religion en général.

Nous allons au-devant d’une époque totalement irréligieuse ; tels qu’ils sont les hommes ne peuvent tout simplement plus être religieux ; ceux-là même qui se déclarent honnêtement religieux ne pratiquent nullement leur religion ; ils entendent donc probablement ce terme tout différemment.

Toute notre prédication et toute notre théologie chrétiennes, vieilles de dix-neuf cents ans, repose sur l’“a priori religieux” des hommes. Le “christianisme”a toujours été une forme de la religion (peut-être la vraie). Si on découvre un jour que cet à priori n’existe pas, mais qu’il fut une forme d’expression de l’homme dépendante de l’histoire et périssable, si donc les hommes deviennent radicalement irréligieux – et je crois que c’est déjà plus ou moins le cas –, que signifie alors cette situation pour le christianisme ? Comment le Christ peut-il devenir aussi le Seigneur des non-religieux ? »

 

 

Oui, le Christ est aussi le Seigneur des non-religieux ! Qu’est-ce à dire ? Il faut entendre le mot « non-religieux » dans le sens de « a-religieux », plutôt que anti-religieux. Si le Christ est d’abord reconnu et confessé comme Fils de Dieu sauveur, par et dans l’Eglise, il est aussi le Seigneur de tous les hommes, et pas seulement des Chrétiens ! Alors pourquoi jugerions-nous – et souvent sévèrement – les autres, ceux qui sont différents de nous par la religion, la couleur, le niveau social ou financier, le lieu de résidence, la culture… ? Demandons-nous plutôt comment être croyant dans un monde qui semble ne pas avoir besoin de Dieu ou quelle peut être l'action de l'Eglise dans le monde. A nous de le dire, à nous de le faire !

 

 

 

Fr. B