« Faire quelque chose de très beau pour Jésus »
Bienheureuse Teresa de Calcutta
Mère des Pauvres
(1910-1997)
Si je vous dis « Gonxha Bojaxhiu », il y a de fortes chances pour que vous ne connaissiez pas cette personne. Mais si je vous dis « Mère Teresa », là, tout de suite, vous me répondrez que vous savez qui c’est !
Mère Teresa, « petite femme » de 1,52 m, a profondément marqué notre XX° siècle. « Ambassadrice des plus pauvres, des plus démunis, des plus rejetés, des plus mal-aimés », elle, pourtant humble et simple religieuse en sari blanc bordé de bleu, a rencontré les puissants de ce monde, est montée au tribunes publiques les plus prestigieuses, « pour la gloire de Dieu et au nom des pauvres ». Elle a même reçu le Prix Nobel de la Paix à Oslo en 1979 ! Les médias français, pas toujours « tendres » avec l’Eglise catholique, ont souvent fait écho des actions humanitaires et caritatives de Mère Teresa et des Missionnaires de la Charité (congrégation qu’elle a fondée) en Inde et dans le monde entier. Cela n’a pas empêché les critiques et les diffamations dont elle a pu faire l'objet, signe supplémentaire que Mère Teresa était entièrement à la suite du Christ. Le disciple n’est pas au-dessus du Maître !
Lors de la Journée Mondiale des Missions, le dimanche 19 octobre 2003, le regretté Jean-Paul II béatifia celle qu’on nommait déjà, de son vivant, « la sainte de Calcutta » :
« Rendons louange à cette petite femme qui aimait Dieu, humble messagère de l'Évangile et inlassable bienfaitrice de l'humanité. Nous honorons en elle l'une des personnalités les plus importantes de notre époque. Accueillons-en le message et suivons-en l'exemple. »
« Par mon sang, je suis albanaise. Par ma nationalité, indienne. Par ma foi, je suis une religieuse catholique. Pour ce qui est de mon appel, j’appartiens au monde. Pour ce qui est de mon cœur, j’appartiens entièrement au Cœur de Jésus. » Ces quelques phrases de Mère Teresa résument, me semble-t-il, à merveille son parcours et son état d’esprit.
Enfance
Gonxha, que l’on traduit par Agnès, est née le 26 août 1910 à Usküb, connu plus tard sous le nom de Skopje, en Macédoine, à l’époque territoire appartenant à l’Empire ottoman. Toute cette région de l’Europe sud-orientale, la « Péninsule des Balkans », qui correspond à l’ex-Yougoslavie, la Bulgarie, l’Albanie, la Grèce et la Turquie d’Europe, a toujours été en proie aux agitations, aux tensions et aux conflits de toutes sortes. La « poudrière des Balkans », l’a-t-on surnommée !
La famille de Gonxha est d’origine albanaise. Son père, Kölle (Nicolas), est entrepreneur. Sa mère s’appelle Drana. Agnès est leur troisième enfant, après leur fille Aga et leur fils Lazare. Agnès fit sa Première Communion à l’âge de cinq ans et demi et fut confirmée en novembre 1916. Très tôt, Elle est « tombée amoureuse » de Jésus et, tout au long de son existence, cette intimité avec son Seigneur n’a jamais cessé de grandir ! La mort soudaine de son père, quand elle avait environ huit ou neuf ans, laissa la famille Bojaxhiu dans une condition financière difficile. Drana éleva ses enfants avec amour et fermeté, influençant beaucoup le caractère et la vocation de sa fille. La formation religieuse de Gonxha fut soutenue par la paroisse jésuite très active du Sacré-Cœur dans laquelle elle était bien engagée.
« Viens et suis-moi ! »
Vous vous rappelez certainement la rencontre de Jésus avec un riche notable.
« Un chef interrogea Jésus : “Bon maître, que dois-je faire pour obtenir la vie éternelle ?” Jésus lui dit : “Pourquoi m'appelles-tu bon? Personne n'est bon si ce n'est Dieu seul. Tu connais les commandements : Ne commets pas d'adultère ; ne commets pas de meurtre ; ne vole pas ; ne prononce pas de faux témoignage contre quelqu'un ; respecte ton père et ta mère.” L'homme répondit : “J'ai obéi à tous ces commandements depuis ma jeunesse.” Après avoir entendu cela, Jésus lui dit : “Il te manque encore une chose : vends tout ce que tu as et distribue l'argent aux pauvres, alors tu auras des richesses dans les cieux ; puis viens et suis-moi.” Mais quand l'homme entendit ces mots, il devint tout triste, car il était très riche. » (Lc 18,18-23)
Agnès a, elle, répondu « oui » à l’appel du Christ à tout quitter pour le suivre. C’était l’Ascension 1928 :
« J’avais entre les mains un cierge allumé, je priais, je chantais, débordant de joie intérieure. C’est là que j’ai entendu la voix de Dieu qui m’invitait à être toute sienne, en me consacrant à Lui et au service de mon prochain… C’est la Vierge Marie qui intercéda pour moi et m’aida à découvrir ma vocation. »
Agnès en parle à un Père Jésuite, son confesseur, qui lui répond :
« Si tu te sens heureuse à l’idée que Dieu t’appelle à le servir, ce sera la preuve de ta vocation… »
La jeune fille est heureuse ; le notable de l’évangile, lui, « devint tout triste, car il était très riche ». Agnès sera riche, mais de tout ce qu’elle donnera aux pauvres : sa vie, son amour, sa joie, sa compassion, son temps, sa disponibilité, ses forces…
Agée seulement de dix-huit ans, elle est poussée par le désir de devenir missionnaire. Gonxha quitte sa maison en septembre 1928. Elle s’engage, avec une amie, dans la vie religieuse dans la Congrégation de Notre-Dame de Lorette, d’inspiration jésuite. Ces sœurs sont connues aussi sous le nom des « Dames irlandaises » ; la maison-mère se trouve à Dublin, en Irlande. Cette congrégation est vouée à l’enseignement afin de former des mères de familles chrétiennes à travers le monde. Agnès et sa compagne partent donc pour Dublin, en traversant l’Europe… Elles rencontrent la Supérieure Générale de la Congrégation. Jugées « aptes », elles deviennent postulantes. Le 1° décembre 1928, elles s’embarquent pour les Indes, colonie britannique.
En Inde
Les deux jeunes postulantes abordent le sous-continent indien au tout début de l’année 1929… Madras… le Golfe du Bengale… le Gange… Calcutta… Le choc !… Tout est complètement différent : deux continents, l’Europe et l’Asie… deux civilisations, européenne et indienne… deux religions, chrétienne et hindouiste…
A Calcutta, les bidonvilles les plus sordides côtoient les plus belles demeures coloniales. Dans le clos d’Entally, Loreto House, le couvent aux murs blancs où s’installent Agnès et sa compagne, est une oasis de calme, de fraîcheur, de paix et de propreté… Peut-être trop coupé de la vie et de la réalité humaine indienne…
Agnès se rend à Darjeeling pour son noviciat, à 600 Km de Calcutta et à 2000 m d’altitude au pied de la chaîne himalayenne. C’est une ville très prisée de la bonne société coloniale.
Le 23 mai 1929, Elle prend l’habit. « C’est le plus beau jour de ma vie, celui où je me suis donnée entièrement au Christ. »
En 1931, la jeune novice fait sa Profession religieuse. Elle prend le nom de Sœur Teresa, en l’honneur de sainte Thérèse de Lisieux, canonisée depuis peu et déclarée patronne des missions. « Je l’ai choisie parce qu’elle faisait des choses ordinaires avec un amour extraordinaire. »
Trois ans après, Sœur Teresa renouvelle sa Profession religieuse. « Si vous saviez comme je suis heureuse ! » écrit-elle à sa famille.
Un premier poste lui est donné dans un petit dispensaire au milieu de la jungle du Bengale. Elle aide les infirmières pour la réception et le soin des malades, laver, panser, donner des rudiments d’hygiène. Elle se retrouve plongée dans l’univers indien.
Elle prend la mesure du dénuement de ces paysans, s’imprègne de leur mode de vie et de leur culture. Elle apprend l’hindi et le bengali.
Quelques siècles plus tôt, en Amérique du Nord, des Jésuites avaient appris le huron et l’iroquois…
Apporter un témoignage chrétien demande une adaptation aux mentalités et aux langues des peuples rencontrés, tout ceci sans impérialisme et sans supériorité !
« Le sabre et le goupillon » ont, finalement et malheureusement, toujours fait mauvais ménage ! Seul l’amour désintéressé peut faire avancer le royaume du Christ !
Sœur Teresa avait raison. Déjà, ce qu’elle « inventerait » plus tard, prenait naissance dans son cœur… Jean-Paul II dira d’elle des années plus tard :
« Aux blessés de la vie, elle a fait sentir la tendresse de Dieu, Père qui est amoureux de chacune de ses créatures… En suivant l’Evangile, elle est devenue le Bon Samaritain de toute personne rencontrée, de toute existence tourmentée, souffrante et méprisée. »
Retour à Calcutta
Après quelques mois passés dans cette forêt, elle est rappelée à Calcutta où elle sera enseignante. Elle obéit humblement et retrouve les murs blancs de Loreto House. Elle donne des cours aux jeunes filles de la bonne société bengalie dont les familles paient l’enseignement.
Elle se rend aussi dans une école primaire qui accueille gratuitement tous les enfants dont les pauvres des bidonvilles. C’est le mot « slums » qui traduit, en anglais, « bidonvilles ». Sœur Teresa se rend souvent dans ces slums. Elle apprend aux enfants l’alphabet et la lecture mais aussi la propreté.
Ses supérieures lui confient aussi la formation et l’accompagnement des Sœurs de sainte Anne, branche de la Congrégation de Notre-Dame de Lorette fondée pour les jeunes filles bengalies désirant se faire religieuses. Elles portent le sari et vivent à la manière indienne. Sœur Teresa apprendra beaucoup au contact de ces jeunes femmes ainsi qu’auprès de la population des quartiers pauvres de Calcutta.
En 1937, Sœur Teresa fait sa profession religieuse perpétuelle, devenant, comme elle disait, « l’épouse de Jésus » pour « toute l’éternité ».
Bientôt, elle est choisie pour être directrice des études à Sainte-Marie d’Entally, école pour les jeunes anglaises et indiennes huppées de Calcutta.
Les années que Mère Teresa passa à Loreto furent remplies d’une joie profonde, elle était très pieuse, aimant profondément ses sœurs et ses élèves. Remarquée pour sa charité, sa générosité et son courage, sa résistance au travail et douée d’un talent naturel pour l’organisation, elle vécut sa consécration à Jésus, au milieu de ses compagnes, avec joie et fidélité. Mais les responsabilités de Mère Teresa liées à sa charge ne manquent pas !... Sa mère répond un jour à une de ses lettres : « Ma chère enfant, n’oublie pas que si tu es partie dans un pays si lointain, c’est pour les pauvres… »
L’appel dans l’appel
Septembre 1946, un train qui bringuebale entre Calcutta sur la plaine côtière et Darjeeling sur le piémont himalayen… Mère Teresa se rend à sa retraite annuelle, un peu de calme et de ressourcement dans une vie « prenante » de directrice, et quelques fois mouvementée…
Déjà, en 1942, elle avait ressenti le désir intense de « faire quelque chose de très beau pour Jésus ». La réponse à cette prière et à cette quête se fit donc dans un train la nuit du 9 au 10 septembre 1946.
« J’entendis l’appel de tout laisser et de suivre le Christ dans les bidonvilles, au milieu des plus pauvres parmi les pauvres. Je savais que c’était sa volonté, et il fallait le faire. » Mère Teresa dira plus tard à propos de cet événement crucial pour sa vie religieuse : « C’était un appel à l’intérieur de ma vocation, une sorte de seconde vocation. »
Rappelez-vous l’épisode évangélique du riche notable. Jésus lui énuméra les commandements ; le notable lui répondit qu’il avait obéi à ces commandements depuis sa jeunesse – ce qui n’était déjà pas mal ! -. Mais Jésus voulait l’appeler à aller plus loin :
« Il te manque encore une chose : vends tout ce que tu as et distribue l'argent aux pauvres, alors tu auras des richesses dans les cieux ; puis viens et suis-moi.” Mais quand l'homme entendit ces mots, il devint tout triste, car il était très riche. » (Lc 18,22)
Mère Teresa aurait pu se contenter de sa vie religieuse dans la Congrégation de Notre-Dame de Lorette comme le notable avec sa pratique des commandements. Après tout, Mère Teresa était une religieuse pieuse, aimante, efficace… Mais « il te manque encore une chose ! » Tout quitter, mais vraiment tout quitter ! Pour suivre Jésus dans les plus pauvres des pauvres !
Ce jour-là, d’une manière qu’elle n’expliquera jamais, la soif de Jésus d’aimer et sa soif pour les âmes prit possession de son cœur et le désir de satisfaire cette soif devint la motivation de sa vie. Au cours des semaines et des mois suivants, Jésus lui révéla, par des locutions intérieures et des visions, le désir de son cœur d’avoir « des victimes d’amour », qui « diffuseraient son amour sur les âmes ». Il la suppliait : « Viens, sois ma lumière ». « Je ne peux y aller seul. » Il lui révéla sa douleur devant la négligence envers les pauvres, son chagrin d’être ignoré d’eux et son immense désir d’être aimé par eux. Il demanda à Mère Teresa d’établir une communauté religieuse, les Missionnaires de la Charité, dédiée au service des plus pauvres d’entre les pauvres.
Vers la fin de sa vie, Mère Teresa ouvra un peu son cœur :
« J’ai souhaité, comme la Vierge Marie, garder toutes ces choses dans mon cœur… C’est quelque chose de si intime, de si sacré, qu’encore aujourd’hui, j’éprouve de la timidité à en parler. »
Presque deux ans d’épreuves et de discernement passèrent avant que Mère Teresa ne reçoive la permission de commencer. Elle en avait parlé en premier à son confesseur ; il lui avait enjoint de « prier et garder le silence ». C’est en janvier 1947 que le prêtre transmit lui-même la demande à Mgr Périer, archevêque de Calcutta, qui refusa tout d’abord. Puis l’archevêque fit part au pape Pie XII du projet de Mère Teresa. Le Vatican accepta une « exclaustration » d’une année, à condition que la Supérieure générale de Notre-Dame de Lorette et l’archevêque en soient d’accord.
La religieuse en sari blanc et bleu
Le 18 août 1948, elle se revêtit pour la première fois de son sari blanc bordé de trois liserés bleu et passa les portes de son couvent de Lorette pour entrer dans un autre monde, celui des pauvres…
En partant, elle emporta juste un petit sac en tissu qui contenait une Bible, un carnet, quelques roupies… et une certitude intérieure : « Dieu m’accompagne ; c’est lui qui l’a voulu. »
L’archevêque lui fit deux recommandations : se former aux soins médicaux de base et prendre des notes pendant les six premiers mois de son expérience. Mère Teresa fit donc un stage de deux mois chez des Sœurs américaines de la Mission Médicale qui tenait un hôpital à Patna. Puis elle retourna faire une retraite à Darjeeling.
Auprès des pauvres
Mère Teresa revint à Calcutta et trouva un logement temporaire chez les Petites Sœurs des Pauvres puis dans une famille. Elle allait pour la première fois réellement seule dans les bidonvilles. Elle visita quelques familles, lava les plaies de plusieurs enfants, prit soin d’un vieil homme malade allongé dans la rue et d’une femme tuberculeuse mourant de faim. Elle commençait chaque journée en communion avec Jésus dans l’Eucharistie et puis elle sortait, le chapelet à la main, pour le trouver et le servir dans « les rejetés, les mal-aimés, les négligés ». Après quelques mois, d’anciennes élèves la rejoignirent.
La fondation des Missionnaires de la Charité
Le 7 octobre 1950, un décret de Rome consacra l’existence de la nouvelle Congrégation des Missionnaires de la Charité dans l’Archidiocèse de Calcutta.
En 1953, les premières sœurs prononcèrent leurs vœux. En 1965, la Congrégation devint de droit pontifical.
Au début des années 60, Mère Teresa commença à envoyer ses sœurs dans d’autres régions de l’Inde. L’approbation accordée par le Pape Paul VI en février 1965 l’encouragea à ouvrir une maison au Venezuela. Puis ce fut bientôt des fondations à Rome et en Tanzanie et finalement, sur tous les continents. Commençant en 1980 et continuant à travers les années 90, Mère Teresa ouvrit des maisons dans presque tous les pays communistes, y compris l’ancienne Union Soviétique, l’Albanie et Cuba. Que ce soit auprès des alcooliques, des drogués, des « clochards », des chômeurs, des malades du SIDA, les Missionnaires de la Charité sont là ! Les pauvres, les rejetés, sont les amis du Christ, ils sont le Christ !
Durant les dernières années de sa vie, malgré des problèmes de santé de plus en plus sérieux, Mère Teresa continua à gouverner sa congrégation et à répondre aux besoins des pauvres et de l’Eglise. En 1997, les sœurs de Mère Teresa étaient au nombre d’environ 4000 et étaient établies dans 610 fondations réparties dans 123 pays du monde. En mars 1997, elle bénit la nouvelle supérieure générale des Missionnaires de la Charité récemment élue et elle effectua encore un voyage à l’étranger. Après avoir rencontré le Pape Jean Paul II pour la dernière fois, elle rentra à Calcutta et passa ses dernières semaines à recevoir des visiteurs et à enseigner ses sœurs. Le 5 septembre fut le dernier jour de la vie terrestre de Mère Teresa.
L’ensemble de la vie et de l’œuvre de Mère Teresa témoignent de la joie d’aimer, de la grandeur et dignité de chaque être humain, de la valeur de chaque petite chose faite avec foi et avec amour, et, par-dessus tout, de l’amitié avec Dieu.
La Mémoire de la Bienheureuse Teresa de Calcutta est célébrée le 5 septembre.
Fr. B