« Il faut se faire Américaine,

changer de langage et de manières, se faire toute à tous ! »

 

Sainte Théodore Guérin, Religieuse

« Apôtre » aux Etats-Unis

(1798-1886)

 

 

 

 

 

 

Le Dimanche 15 octobre 2006, le Pape Benoît XVI célébrait, Place Saint-Pierre, la Messe pour la canonisation de quatre nouveaux Saints. Parmi eux se trouvait une française : Mère Théodore Guérin (elle avait été béatifiée en 1998 par Jean-Paul II). Une délégation du gouvernement français avait même fait le déplacement !

 

Le Saint-Père demanda, lors de la Messe, que le témoignage exemplaire de ces nouveaux Saints « éclaire et encourage spécialement les jeunes afin qu'ils se laissent conquérir par le Christ, par son regard plein d'amour », afin qu'ils soient « prêts à tout abandonner pour le Royaume de Dieu, qu'ils soient disposés à faire leur la logique du don et du service, la seule qui sauve le monde ». Tout ceci m'a donné l'idée d'écrire ces quelques lignes sur notre compatriote.

 

 

 

L'enfance

 

Anne-Thérèse Guérin est née le 2 octobre 1798 dans le village d'Étables-sur-mer en Bretagne (Côtes d'Armor). Sa mère s'appelait Isabelle Lefèvre. Son père, Laurent Guérin, servait dans l'armée de l'Empereur Napoléon. Il était officier de la Marine française. Il était souvent loin de chez lui et de sa famille, et cela pendant des années. L’éducation des enfants reposait donc totalement sur la maman. Le couple en eut quatre ; seules Anne-Thérèse et Marie-Jeanne parvinrent à l'âge adulte.

 

Très tôt, Anne-Thérèse eut un grand amour de Dieu et un attachement à l'Église Catholique. Elle fut autorisée à faire sa Première Communion à l'âge de dix ans et annonça alors au Curé qu'un jour elle entrerait au couvent. Elle allait souvent prier et méditer le long du rivage rocheux de son village. Sa piété fut renforcée par les instructions de sa mère Isabelle ainsi que des leçons d'un cousin séminariste sur la Religion et les Saintes Écritures. En juin 1814, son père fut assassiné par des bandits près de Toulon alors qu'il revenait à Étables en permission pour retrouver sa famille. Anne-Thérèse n'avait que 15 ans.

 

La perte de son mari fut un coup dur pour Isabelle, dont la santé déjà fragile se trouva chancelante. Pendant de longues années, Anne-Thérèse prit la responsabilité de s'occuper de sa mère et de sa petite sœur, ainsi que de la maison et du jardin de la famille. À travers ces années difficiles, la foi de la jeune fille en Dieu ne vacilla jamais. Elle savait dans les profondeurs de son âme que Dieu était avec elle et serait son compagnon pour l'éternité.

 

 

 

La vie religieuse

 

Ce n'est qu'à l'âge de 25 ans qu'Anne-Thérèse put enfin réaliser son projet de vie religieuse. C'était le 18 août 1823.

 

Elle avait d'abord pensé au Carmel, mais elle se dirigea vers la « Congrégation des Sœurs  de la Providence de Ruillé-sur-Loir », dans la Sarthe. Cette Congrégation fut fondée en 1806 pour le service des malades et l'enseignement des plus pauvres.

 

Elle fit ses vœux  simples le 8 septembre 1825, et ses vœux perpétuels le 5 septembre 1831. Elle prit le nom de Sœur Théodore.

 

En 1826, elle fut placée à la tête d'une importante maison d'éducation à Rennes. La tâche fut ardue car l'institution se trouvait dans un quartier livré à l'ignorance et à la délinquance. Mais Sœur Théodore sut maîtriser la situation et assainir le milieu de vie en se donnant à l'éducation des enfants et des parents.

 

La surprise fut grande quand la Supérieure de Ruillé lui ordonna de quitter Rennes pour Soulaines, petite commune près d'Angers. Elle accepta et vécut ce changement comme une humiliation et une épreuve. Mais à Soulaines aussi, elle fera un bien considérable. Elle prit même des leçons auprès d'un pharmacien et d'un médecin afin d'être plus utile aux malades. Son dévouement au service de l'école, des pauvres et des malades ne l'empêchait pas de trouver du temps pour intensifier sa vie spirituelle, par l'Eucharistie, la prière, la lecture de la Bible, de la vie des saints et des maîtres spirituels.

 

 

 

L’aventure missionnaire

 

Quelques années plus tard, une surprise de taille allait bousculer la toute jeune Congrégation. Mgr de la Hailandière, évêque de Vincennes en Indiana aux États-Unis, originaire du diocèse de Rennes, vint demander quelques Religieuses à la Mère Générale à Ruillé.

L’exposé de la grande pauvreté spirituelle de ce Diocèse émut fortement la Communauté. Cependant, il n'avait jamais été question de missions lointaines. A qui pourrait-on confier une telle chose ? Sœur Théodore Guérin fut pressentie. Mais son état physique renforçait ses doutes sur l'acceptation de cette mission. Néanmoins, après de nombreuses heures de prière et de longues consultations avec ses supérieurs, elle accepta finalement la mission, craignant que sinon, personne ne s'aventurerait dans la nature pour partager l'amour de Dieu.

 

 

 

Des Sœurs aux Etats-Unis

 

En Juillet 1840, avec cinq autres Sœurs, elle embarqua au Havre sur un navire à voiles. Au bout de trois semaines, elles arrivèrent à New-York...

 

Enfin, un soir d'octobre de la même année, les six Religieuses arrivèrent, certainement fourbues, à « Saint-Mary-of-theWoods » (« Sainte-Marie-des-Bois »), dans l’Etat de l’Indiana.

 

Elles commencèrent une vie des plus précaires : en effet, malgré les promesses de l'Evêque, il n'y avait pas de maison pour les accueillir !

 

« Avec Jésus à nos côtés, que pouvons-nous craindre ? » s'écria Mère Théodore.

 

Tout d'abord, déclara Benoît XVI en anglais pendant l'homélie de la Messe de canonisation, « elles fondèrent une simple chapelle, une simple cabane en bois, au cœur de la forêt : elles s'agenouillèrent devant le Saint-Sacrement, et rendirent grâce, en demandant à Dieu de guider la nouvelle fondation. Avec une grande confiance dans la Providence divine, Mère Théodore surmonta de nombreuses difficultés et persévéra dans le travail que le Seigneur lui avait demandé de faire ».

 

 

 

Mère Théodore Guérin écrivit ces mots après avoir survécu à un gros orage en mer :

« Quelle force l'âme tire de la prière ! Quel calme divin elle trouve dans le Cœur de Jésus. Mais quel confort peut-il exister pour ceux qui ne prient pas ? ».

Cette citation est peut-être l'un des meilleurs exemples de sa vie et de son ministère à venir en Amérique.

 

C'est donc là, à Saint-Mary-of-the-Woods, sur une terre en pente, coupée dans le ravin, entourée de forêts denses que Mère Théodore allait établir un couvent, une école, et surtout « un patrimoine d'amour, de compassion et de justice qui continue de nos jours. »

 

Les débuts de la fondation furent très difficiles. Mère Théodore tira toute sa force de la prière, des « conversations » avec le Père, Jésus et la Vierge Marie.

 

Très vite, les Sœurs apprirent l'anglais et, dès 1842, s'ouvrit un pensionnat.

 

Il y eut malheureusement des difficultés avec Mgr de la Hailandière. En effet, l'Evêque supportait mal l'autorité, la force morale, la généreuse spiritualité et les succès de Mère Théodore. Il s'estimait être le seul Supérieur de la Congrégation.

« Cruelle est la fureur, impétueuse la colère, mais contre la jalousie, qui tiendra ? » (Pr 27,4) Mère Théodore tiendra !!!

En 1843, il profita même de l'absence de la Religieuse, partie en France chercher une aide financière, pour la déposer de sa charge. Mais les Sœurs  la réélirent. Mère Théodore ne pourra cependant accomplir sa mission en toute paix et liberté qu'après la démission de Mgr de la Hailandiére en 1847.

 

 

 

La fondation des « Sœurs de la Providence de Sainte-Marie-des-Bois »

 

Une autre épreuve se fit jour : les relations se tendirent avec la Maison-Mère de Ruillé. Mère Théodore devait désormais assurer l'indépendance de sa Communauté.

 

Elle fonda donc une Congrégation détachée de la France : les « Sœurs de la Providence de Sainte-Marie-des-Bois ». Le nouvel institut se développa rapidement. En 1842, Mère Théodore établit des écoles à Jasper (Indiana) et Saint-Francisville (Illinois).

 

Au moment de sa mort, le 14 mai 1856, Mère Théodore avait ouvert des écoles dans plusieurs villes d'Indiana, et la Congrégation des Sœurs de la Providence était forte, viable et respectée. Mère Théodore attribuait toujours la croissance et le succès des Sœurs de la Providence à la bonne volonté de Dieu et de Marie, Mère du Seigneur, à qui elle dédia le ministère de Saint- Mary-of-theWoods.

 

 

 

La Mémoire de Sainte Théodore Guérin est célébrée le 14 mai.

 

Benoît XVI a déclaré :

« Mère Théodore Guérin est une belle figure spirituelle et un modèle de vie chrétienne. Elle fut toujours disponible pour les missions que l'Église lui demandait, elle trouvait la force et l'audace pour les mettre en oeuvre dans l'Eucharistie, dans la prière et dans une infinie confiance en la divine Providence. Sa force intérieure la poussait à une attention particulière envers les pauvres, et tout spécialement les enfants ».

 

Demandons donc à Mère Théodore d’avoir nous aussi un grand amour de l'Eucharistie et le goût de la prière. Qu'à son exemple, nous ayons une prédilection spéciale pour les pauvres, et plus particulièrement pour les enfants. En effet Jésus a dit : « Celui qui accueille en mon nom cet enfant, c'est moi qu'il accueille. Et celui qui m'accueille accueille aussi celui qui m'a envoyé » (Lc 9,48a).

 

Chers amis Lecteurs, le Seigneur ne nous appelle pas forcément à tout quitter pour partir en mission dans l'lndiana, ou dans les forêts des Appalaches, dans le Grand Nord Canadien ou en Amazonie ! Simplement, en faisant confiance en la Providence de Dieu à l'instar de Mère Théodore, nous pouvons être missionnaires là où nous sommes, dans nos familles, nos communautés, nos écoles, nos quartiers, nos lieux de travail !!!

Fr. B