« Je veux étudier pour être utile à mon peuple. »

 

Zefferino Namuncurà,

le Bienheureux des Pampas

(1886-1905)

 

 

 

 

 

 

Faire des recherches et écrire de petites biographies sur des Saints et des Bienheureux est une aventure extraordinaire ! C’est une expérience de foi tellement enrichissante ! Vies différentes, témoignages différents, mais un seul et même amour de Dieu !!! Quelles leçons !!!

Mes pérégrinations m'ont également conduit à un jeune Amérindien du Sud, Zefferino Namuncurà.

 

 

 

La Béatification

 

Chimpay : petite ville de 4000 habitants (aujourd'hui) dans la province du Rio Negro, en Patagonie argentine. C'est dans cette localité qu'eut lieu la béatification de Zefferino Namuncurà. À l'occasion de cette fête, qui fut célébrée le 11 novembre 2007, les évêques de la Région Patagonie-Comahue ont publié une lettre pastorale pour « tous les hommes et les femmes de notre patrie, l'Argentine » :

« Sa vie est un message de sainteté vécue dans l'engagement sérieux devant la réalité de son peuple et est un exemple d'assomption de l'évangile comme projet de vie, vécu avec une grande simplicité et humilité. Son message est un témoignage qui touche. C'est un vrai mapuche et un vrai chrétien : la force de son origine et la grâce du baptême. Une sainteté qui plonge ses racines dans l'évangile et dans la réalité de son peuple. Il s'est confié à Dieu et nous exhorte à suivre son exemple. Zefferino ouvre un chemin, nous encourageant à suivre ses pas ».

 

 

Zefferino eut une manière particulière de vivre son « être chrétien » ; un « être chrétien » enrichi par l'héritage de son peuple, les « Mapuches », qui l'a accompagné dans son chemin de sainteté.

 

 

 

Les « Mapuches » ou « Araucanos »

 

Le nom de « Mapuche », littéralement « Peuple ou Homme de la Terre », désigne le peuple amérindien de la zone Centre-Sud du Chili et de l'Argentine, connu aussi sous le terme d' « Araucan » ou « Araucano ».

 

L'histoire des « Mapuches » est une histoire d'inégalité sociale et économique qui ne reconnaît pas aux tribus — ce qui pourrait constituer un élément fort de conscience de soi et d'unification nationale de la révolution de 1810 — le droit à leur terre, mais simplement l'usufruit. Et tous, nous pouvons imaginer les résultats désastreux de la triste « Conquête du désert », entreprise par le gouvernement local pour arracher la Patagonie au contrôle des populations indigènes. Cette « Conquête du Désert », qui eut lieu un peu avant 1880, fut une campagne controversée du gouvernement argentin, exécutée par l'armée sous les ordres du général futur président Julie Argentine Roca. Son but était la domination totale sur les régions du sud de la Pampa et sur la Patagonie orientale, jusqu'alors sous domination de la nation mapuche. Déjà son nom, « Conquête du Désert », était tout un programme : cela laissait entendre que pour les Européens il s'agissait d'un désert, ou encore qu'un Indien ne valait rien. Justement, un récent problème résumé dans la phrase « Civilisation ou génocide ? », pose la question de savoir si la « Conquête du désert » a eu l'intention d'exterminer les indigènes ou d'opprimer les groupes qui refusaient de se soumettre au joug des colonisateurs.

 

Actuellement, dans tout le Sud-Américain, les « Mapuches » sont le seul peuple qui ait réussi à résister à la domination espagnole depuis plus de trois cents ans. Les barbaries accomplies par les peuples « civilisés » à leur égard sont un fait connu, comme est connu l'effet de la destruction au niveau culturel et social que la Conquête a eu sur eux. On ne peut s'empêcher de penser à la colonisation de l'Europe sur beaucoup d'autres parties du monde : Aborigènes d'Australie, Indiens d'Amérique du Nord, Peuples de l’Afrique…Certains ont témoigné magnifiquement du Christ et de son Amour, mais d'autres — à l'appétit vorace — ont asservi ou tué des millions d'hommes, de femmes et d'enfants, pendant des siècles... Mais « le passé appartient à la Miséricorde de Dieu ».

 

À ce propos, comme pour contredire et condamner ce qui s'est passé en Argentine, le Cardinal Tarcisio Bertone a dit dans son homélie de la béatification du jeune amérindien : « Magnifier aujourd'hui le Seigneur à travers le bienheureux Zefferino signifie également rappeler de manière vivante et reconnaissante les antiques traditions du peuple mapuche, fier et insoumis ; et dans le même temps redécouvrir la fécondité de l'Évangile, qui ne détruit jamais les valeurs authentiques, dont une culture est la détentrice, mais qui les assume, les purifie et les perfectionne ».

 

 

Chef Araucan

 

 

 

Zefferino Namuncurà

 

Zefferino est né à Chimpay le 26 août 1886. La mère de Zefferino, Rosaria Burgos, était une « cautiva », femme blanche faite prisonnière par les Araucanos. Il a été baptisé deux ans plus tard par le Père Milanesio, missionnaire salésien, qui avait été le médiateur de l'accord de paix entre les « Mapuches » et l'armée argentine, rendant possible au père de Zefferino, Manuel, de conserver le titre de « Grand Cacique » (Chef Suprême) pour lui, et le territoire de Chimpay pour son peuple.

 

Zefferino était âgé de onze ans lorsque son père l'inscrivit à l'école d'État de Buenos Aires. Il voulait que son fils devienne le futur défenseur de son peuple. Mais Zefferino s'y trouva mal à l'aise et son père le fit rentrer au pensionnat salésien « Pie IX ». C'est ici que commence l'aventure de la grâce, qui aura transformé un coeur pas encore illuminé par la foi en un témoin héroïque de la vie chrétienne. Il montra immédiatement un grand intérêt pour les études, il aimait les pratiques de piété, était passionné par le catéchisme. Il inspirait la sympathie de tout le monde, compagnons et supérieurs. Deux événements le lancèrent vers les sommets les plus élevés : la lecture de la vie de saint Dominique Savio (1842-1857), lui aussi « une fleur dans le cœur de Dieu », dont il devint un imitateur passionné, et la Première Communion, par laquelle il scella un pacte de fidélité absolue avec son grand ami Jésus. Depuis lors, ce jeune qui trouvait difficile « d'être en rang » et « d'obéir au coup de la cloche », devint un modèle. Un jour -  Zefferino était aspirant salésien à Viedma - un homme, le voyant arriver à cheval, lui cria : « Zefferino, qu'est-ce que tu aimes le plus ? ». Il s'attendait sans doute à une réponse faisant référence à l'équitation, un art dans lequel les « Araucanos » étaient passés maîtres. Mais le jeune, freinant sa monture, répondit : « Etre prêtre », et poursuivit sa course.

 

Ce fut précisément en ces années de croissance intérieure qu'il tomba malade de la tuberculose. Ses maîtres le firent rentrer dans sa région natale et son climat meilleur, mais ce ne fut pas suffisant. Mgr Cagliero pensa alors qu'en Italie, il trouverait de meilleurs soins. Sa présence ne passa pas inaperçue : les journaux parlèrent avec admiration du « Prince de las Pampas ». Le Père Rua le fit asseoir à table avec le Conseil général des Salésiens. Le Pape Pie X le reçut en audience privée, l'écoutant avec intérêt et lui offrant une médaille. Le Souverain Pontife aurait dit avec tristesse après la mort de Zefferino : « Il était une belle espérance pour les missions de la Patagonie, mais maintenant il sera leur protecteur » Le 28 mars 1905, il dut être hospitalisé au Fatebenefratelli de l'île Tiberina au coeur de Rome, où il décéda le 11 mai suivant, laissant derrière lui une empreinte de bonté, d'application, de pureté et de joie inimitables.

 

C'était un fruit mûr de la spiritualité des jeunes salésiens. Son corps se trouve maintenant dans le Sanctuaire de Fortin Mercedes en Argentine, et son tombeau est la destination de pèlerinages constants, parce que grande est la renommée de sainteté dont il jouit auprès du peuple argentin. Zefferino incarne les souffrances, les angoisses et les aspirations de son peuple « Mapuche », le même peuple qui, au long des années de son adolescence, a rencontré l'Évangile et s'est ouvert au don de la foi sous la direction d'éducateurs salésiens avisés. Il y a une expression qui résume tout son programme : « Je veux étudier pour être utile à mon peuple ». En effet, Zefferino voulait étudier, devenir prêtre et retourner auprès de son peuple pour contribuer à la croissance culturelle et spirituelle de son peuple, comme il l'avait vu faire par les premiers missionnaires salésiens. Dans le collège salésien de Villa Sora, à Frascati en Italie, Zeffirino — qui rencontrait pourtant certaines difficultés avec la langue italienne — parvint en quelques mois à être le deuxième de la classe. Dans son bulletin scolaire, on remarque ses excellents résultats en latin : c'était une condition importante pour devenir prêtre...

 

 

La sainteté de la jeunesse

 

« La béatification de Zefferino est un invitation à croire dans les jeunes, même en ceux qui viennent d'être évangélisés, à découvrir la fécondité de l'Évangile, qui ne détruit rien de ce qui est véritablement humain, et la contribution méthodologique de l'éducation dans ce merveilleux travail de configuration de la personne humaine, qui arrive à reproduire en elle-même l'image du Christ. Ceux qui pensent que la foi religieuse est une forme d'adéquation ou un manque d'engagement pour le changement social, se trompent. Au contraire, elle est l'énergie qui rend possible la transformation de l'histoire. La sainteté, qui pour certains évoque la singularité d'une condition considérée comme peu adhérente à la vie quotidienne, signifie au contraire la plénitude de l'humanité traduite en acte. Le saint est une personne authentique, réalisée, heureuse. Les témoignages des contemporains de Zefferino sont unanimes pour affirmer la bonté de son coeur et le sérieux de son engagement. "Il sourit avec les yeux", disaient ses camarades. C'était un adolescent admirable, saint, qui aujourd'hui peut — doit — être proposé comme modèle et exemple aux jeunes » (extrait d'une lettre du Père Pascual Chàvez Villanueva, Recteur Majeur des Salésiens de Don Bosco).

 

 

 

 

Fr. B