« La mesure d’aimer Dieu, c’est de l’aimer sans mesure. »

Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153)

 

 

 

 

 

 

La terre de France est riche en abbayes et autres prieurés. Certains ne sont plus, hélas, que des monuments historiques comme la merveilleuse abbaye du Thoronet dans le Var…

Mais il reste – heureusement ! – encore des maisons « habitées », certaines riches d’une longue et belle tradition monastique ou religieuse. Beaucoup de ces maisons, dont certaines issues de la Réforme Cistercienne, sont habitées par des moines et des moniales vivant sous la Règle de saint Benoît (480-547).

 

Je vous propose un autre grand personnage de la vie monastique, digne fils spirituel de saint Benoît, en la personne de saint Bernard de Clairvaux, propagateur de la Réforme Cistercienne. Canonisé en 1174 par le pape Alexandre III, il fut déclaré Docteur de l'Église par Pie VIII en 1830. On le fête le 20 août.

 

Mais avant de nous intéresser à saint Bernard, il nous faut d’abord parler de Cîteaux, sans quoi nous ne pourrions comprendre la vie du « Doctor melliflu » (d’où coule le miel).

 

 

 

Le « Nouveau Monastère » ou la Réforme de Cîteaux

 

Tout commença le 21 mars 1098, en la fête du Trépas de saint Benoît. Une vingtaine de moines menés par l’Abbé bénédictin saint Robert de Molesme (1028-1111) s’installa au milieu des bois et des marécages, sur un petit domaine donné par le Vicomte de Beaune, au Sud de Dijon entre Saint-Jean-de-Losne et Nuits-Saint-Georges. Ce lieu s’appelait « Cistels » (roseaux). Le but des fondateurs de Cîteaux était de pratiquer avec plus de pureté et de simplicité la « Règle de saint Benoît », dans le silence et l’isolement. Cette règle était certes vécue dans la majorité des monastères bénédictins, mais elle était souvent modifiée dans son esprit. La puissante abbaye de Cluny était à son apogée : liturgie somptueuse, édifices richement décorés… Cette prospérité risquait d’entraîner un certain relâchement. « Dans la mesure où les biens matériels progressent, les biens spirituels diminuent. » Les premiers Pères cisterciens désiraient revenir à un idéal monastique plus rigoureux, en s’inspirant aussi de saint Jean Cassien et des Pères du désert. Ils prônaient le retour à la simplicité dans la vie quotidienne, dans la liturgie et dans l’art, la solitude par la rupture avec le monde, la pauvreté, le silence, la vie commune, l’obéissance, le travail manuel. Ils mirent en pratique leur idéal dans l'enthousiasme de servir Dieu de tout leur cœur, de toute leur âme et de toutes leurs forces. Pour « ne rien préférer à l'amour du Christ » (Règle de saint Benoît).

 

Les débuts du « Nouveau Monastère » furent difficiles… Il y avait peu ou pas de recrutement… Saint Albéric (vers 1050-1108) succéda comme second Abbé à saint Robert qui dût retourner à son monastère de Molesme. On doit à saint Albéric la copie du bréviaire utilisé pour les offices religieux. Son œuvre la plus durable fut l'obtention de la protection papale pour la fondation naissante. La bulle du pape Pascal II reconnut la validité du style de vie adopté. Enfin, Albéric décida de changer le site du monastère, et l'installa dans le site actuel, à 2 km du premier monastère. Le premier site dut être abandonné à cause du manque d'eau. Puis c'est un anglais, saint Etienne Harding (vers 1060-1134) qui devint le troisième Abbé de Cîteaux. On lui doit la « Carta Caritatis », la « Charte de Charité » qui établira un lien de charité et d'entraide entre les différents monastères du nouvel ordre naissant. Les Saints premiers Abbés de Cîteaux sont fêtés le 26 janvier.

Mais c'est l'arrivée de saint Bernard qui donnera un véritable élan à Cîteaux et à sa Réforme monastique.

 

Saint Robert, Saint Albéric, Saint Etienne Harding

 

 

 

Saint Bernard

 

Saint Bernard naquit en 1090 dans une famille noble de Bourgogne. Il était le troisième des sept enfants de Tescelin, Seigneur de Fontaine, et d'Aleth de Montbard (une fille et six garçons). Très jeune, ses parents l'envoyèrent auprès des Chanoines de Sain-Vorle de Châtillon-sur-Seine, où il montra un goût particulier pour la littérature. Ce fut un élève intelligent et volontaire, voire même timide.

 

Il choisit à l'âge de 21 ans d'entrer à Cîteaux. Il se présenta à l’Abbé Etienne Harding avec des membres de sa famille ainsi que des amis qu'il avait convertis à son idéal. L’arrivée de ces « jeunes recrues » allait bouleverser « positivement » l’avenir du « Nouveau Monastère ». Durant ses premières années à Cîteaux, Bernard mena une vie mystique très poussée, marquée par l'étude, la prière, et aussi une terrible mortification qui créa chez lui un état d'épuisement et d'anémie dont il ne sortira jamais.

 

En 1113, la fondation de la première « Fille de Cîteaux », « La Ferté » en Saône-et-Loire, donna véritablement le coup d'envoi au développement et au rayonnement de l'abbaye. Suivit la fondation de « Pontigny » en 1114 dans l’Yonne.

 

En 1115 Étienne Harding envoya Bernard à la tête d'un groupe de moines pour fonder une nouvelle maison cistercienne dans la vallée de Langres, « Clairvaux », « la claire vallée », dans l’Aube. Bernard fut élu Abbé de cette nouvelle « Fille de Cîteaux » et confirmé par l’évêque de Châlons.

 

Les débuts de Clairvaux furent, comme à Cîteaux, difficiles : la discipline imposée par Bernard était très sévère. Bernard poursuivit ses études sur l'Écriture Sainte et sur les Pères de l'Église. Par ses écrits et son influence, Bernard fut à l'origine d'une véritable école de spiritualité. Il eut une prédilection pour le Cantique des Cantiques dont il fit un admirable commentaire. Il fut moins un théologien qu'un contemplatif et aussi un moraliste exigeant. De son importante œuvre écrite, on conserve plus de cinq cents lettres. Il laisse de nombreux sermons et homélies, dont de très beaux consacrés à la Vierge Marie. On lui attribue la prière du « Souvenez-vous » ainsi que la fin du « Salve Regina » : « o clemens, o pia, o dulcis Virgo Maria ».

 

Rapidement, grâce au jeune Abbé, l'essor de Clairvaux permit la création des premières abbayes de la filiation « claravalienne », « Trois-Fontaines » dans la Marne et « Fontenay » en Côte-d’Or.

 

Bien que moine, Bernard dût souvent quitter la quiétude du cloître pour arpenter les routes de l’Europe. Cependant, au milieu de ses voyages, il sut rester moine ; dans la foule, il se fit une solitude dans son cœur et continua à prier.

 

Dès 1120, Bernard de Clairvaux intervint partout où il pensait l'Eglise attaquée. Il fut consulté par tout le monde, depuis les papes et les empereurs, jusqu'aux plus humbles habitants de la région. En 1128, au Concile de Troyes, il reconnut l'Ordre des Templiers, chevaliers au service des pèlerins et des croyants pour qui il écrivit une Règle de Vie. A partir de 1130, alors que deux papes revendiquaient le siège pontifical, on lui demanda de trancher. Il se prononça en faveur d'Innocent II contre Anaclet. Il rallia le Roi de France et l'Empereur d'Allemagne à la cause de l'unité de l'Eglise. Homme de paix, il visita les villes d'Italie pour les rallier aussi à cette unité. A Pâques 1146, Bernard prêcha la seconde croisade à Vézelay, dans l’Yonne, dans un idéal d'unité et de paix. Il intervint à Mayence, en Allemagne, pour empêcher les massacres de juifs par des fanatiques. Malgré ses nombreuses activités qui l’appelaient hors de son abbaye, Bernard demeura toujours le père – c’est le sens du mot « abbé » –  de sa communauté de moines. Il la nourrit tout au long de sa vie de ses enseignements, de ses exemples, de sa prière…

 

Le 20 août 1153, Bernard mourait dans sa cellule monacale…

 

Certes, saint Bernard n'a pas été le fondateur de l'Ordre de Cîteaux, les moines blancs, mais il en fut son plus grand animateur, sa plus grande gloire.

 

 

 

ANNEXE I

 

 

Hymne des Vêpres des Saints Abbés de Cîteaux :

 

Fondateurs de solitude,

Jusqu’à Cîteaux, il faut partir,

Les yeux fixés sur l’invisible,

Sans douter, hommes de rectitudes,

Vous espérez l’impossible :

Le désert demain va fleurir.

 

Sur le sol de la promesse,

Vos mains unies ouvrent le puit

Que remplira pour nous la source ;

Vous allez, ivres de la sagesse,

Courir ensemble la course,

Et la soif de Dieu vous conduit.

 

Dieu restaure son image

Qui s’obscurcit dans l’homme ancien,

Vous retrouvez la ressemblance ;

Sa clarté brille sur vos visages,

Vous le cherchez en silence,

Et le Verbe vous fera siens.

 

Vint le temps de la détresse,

Longues années d’aridité :

Vous restez seuls, l’espoir s’éloigne ;

Mais bientôt, riches de leur jeunesse,

Des compagnons vous rejoignent

A l’Ecole de charité.

 

Oraison :

Seigneur notre Dieu, tu as inspiré aux bienheureux abbés Robert, Albéric et Etienne la volonté de retrouver la source pure de l’Evangile dans la fidélité à saint Benoît ; accorde-nous, par leur prière, de boire à notre tour cette eau vive pour devenir de vrais disciples de ton Fils. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles.

R/ Amen.

 

 

 

Hymne des Vigiles de saint Bernard :

 

Au festin de la Sagesse

Tous les moines sont invités :

Pour la joie des frères,

Bernard, serviteur du Verbe,

Sans jamais se lasser,

Rompt le pain des Ecritures.

 

Embrasée dans la prière,

Sa parole répand la vie :

Le visage en fête,

Il chante l’amour et cherche

La douceur de l’Esprit

Sous l’écorce de la lettre.

 

Un instant le Seigneur passe

Pour combler ces cœurs attentifs :

Les regards s’éclairent,

Visite du Dieu fait homme

O bonheur fugitif,

Pour toujours dans la mémoire.

 

Et voici qu’un temps de grâce

Nous rassemble pour ce festin :

Une voix s’élève,

Puissante aujourd’hui encore

C’est Bernard de Clairvaux

Qui nous presse de répondre.

 

Oraisons :

 

1)

Seigneur, tu as voulu que saint Bernard, rempli d’amour pour ton Eglise, soit dans ta maison la lampe qui brûle et qui éclaire ; accorde-nous, par son intercession, la même ferveur de l’esprit, afin que nous vivions comme des fils de la lumière. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu, qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles.

R/ Amen.

 

2)

Seigneur Jésus, tu t’es manifesté à saint Bernard dans le secret et la force de ta présence, et il a su te reconnaître ; accorde-nous la même grâce d’étonnement : à la mesure de notre foi, nous pourrons alors, nous aussi, discerner les temps où tu nous visites. Toi qui règnes avec le Père et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles.

R/ Amen.

 

3)

Seigneur Dieu, tu choisis certains hommes pour faire briller ta lumière dans la succession des époques ; accorde-nous de percevoir la clarté qui rayonne toujours de ton serviteur Bernard et de la refléter de manière vivante pour notre temps. Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur et notre Dieu qui règne avec toi et le Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles.

R/ Amen.

 

 

 

ANNEXE II

 

 

Il existe aujourd’hui en France plusieurs familles monastiques issues de la Réforme de Cîteaux :

-         le Saint Ordre de Cîteaux (SOC) avec, par exemple, l’Abbaye de Sénanque (moines) dans le Vaucluse, l’Abbaye de Lérins sur l’île Saint-Honorat (moines) et l’Abbaye Notre-Dame de la Paix à Castagniers (moniales) – ces deux monastères se trouvent dans les Alpes-Maritimes – ;

-         l’Ordre de Cîteaux de la Stricte Observance (OCSO) ou Trappistes avec, par exemple, l’Abbaye de la Trappe à Soligny (moines) dans l’Orne d’où est partie en 1664 la Réforme de l’Abbé Armand de Rancé (1626-1700), l’Abbaye d’Aiguebelle (moines) dans la Drôme, l’Abbaye de Tamié (moines) en Savoie, l’Abbaye Sainte-Marie-du-Désert en Haute-Garonne, l’Abbaye de Chambarand (moniales) en Isère ;

-         l’Ordre des Cisterciennes Bernardines d’Esquermes avec, par exemple, le Monastère Notre-Dame de la Plaine dans le Nord.