Bienheureuse Élisabeth de la Trinité
« Missionnaire » de la Présence de Dieu en nos cœurs
(1880-1906)
En faisant des recherches pour rédiger cet article sur Élisabeth de la Trinité, je me suis remémoré cette péricope du Livre de la Sagesse :
« Même s'il meurt avant l'âge, le juste trouvera le
repos. La dignité du vieillard ne tient pas au grand âge, elle ne se mesure pas
au nombre des années. Pour l'homme, la sagesse surpasse les cheveux blancs, une
vie sans tache vaut une longue vieillesse. Il a su plaire à Dieu, et Dieu l'a
aimé ; il vivait dans ce monde pécheur : il en fut retiré. Il a été repris, de
peur que le mal ne corrompe sa conscience, pour que le mensonge n'égare pas son
âme. Car les séductions faciles font perdre de vue le bien, et
l'entraînement de la passion trouble un cœur innocent. Arrivé au but en peu de
temps, il a couvert une longue route. Parce qu'il plaisait au Seigneur,
celui-ci, sans attendre, l'a retiré d'un monde mauvais. Les gens voient cela
sans comprendre ; il ne leur vient pas à l'esprit que
Dieu accorde à ses élus grâce et miséricorde, et qu'il veille sur ses amis. »
(Sg 4,7-15)
Oui ! La sagesse n’attend pas le nombre des années ! Que ce passage biblique est bien trouvé pour cette Bienheureuse dont nous allons faire connaissance ! Et même si un peu plus de cent ans nous séparent de sa mort, il n’en reste pas moins que cette jeune femme est tout à fait d’actualité en ce début de troisième millénaire et qu’elle peut nous faire partager ses expériences spirituelles… Élisabeth est arrivée au but en très peu de temps !
À 26 ans, elle entrait dans le Mystère ineffable de la Très Sainte et Admirable Trinité, dans l’Infini de Dieu !
Après avoir ressenti tout au long de sa vie la Présence de Dieu en son cœur, c’est elle, désormais, qui allait habiter au cœur de la Trinité « où nous sommes attendus, où nous sommes aimés, où un jour nous pourrons nous envoler, nous reposer au sein de l’Amour infini ! »
Sa vie aura été une course – nous pourrions dire de vitesse – vers la Rencontre ultime ! Elle me fait immédiatement penser à l’Apôtre Paul, qu’elle aimait beaucoup, qui écrivait aux Philippiens :
« Il s'agit de connaître le Christ, d'éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en reproduisant en moi sa mort, dans l'espoir de parvenir, moi aussi, à ressusciter d'entre les morts. Certes, je ne suis pas encore arrivé, je ne suis pas encore au bout, mais je poursuis ma course pour saisir tout cela, comme j'ai moi-même été saisi par le Christ Jésus. Frères, je ne pense pas l'avoir déjà saisi. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l'avant, je cours vers le but pour remporter le prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus. » (Ph 3-10-14)
Et Élisabeth dans une de ses lettres :
« le Ciel, il viendra un jour et nous verrons Dieu en sa lumière. Oh ! La première rencontre ! Elle fait tressaillir mon âme ! »
De la naissance au Carmel
Élisabeth naquit le 18 juillet 1880 au Camp d'Avor, près de Bourges, dans le Cher, dans une famille très croyante. Son père, Joseph Catez, était officier. Il avait épousé en 1879 Marie Rolland. L’enfant fut baptisé le 22 juillet. En mai 1881, la famille partit pour Auxonne en Côte-d’Or, et de là, se rendit à Dijon en novembre 1882. le 20 février 1883 eut lieu la naissance de sa sœur Marguerite. Son père mourut subitement quelques années plus tard et Madame Catez eut à s'occuper seule de l'éducation de ses deux filles. Élisabeth, l'aînée, « vive, ardente, passionnée, volontaire », dont le trait dominant était la sensibilité, apprit peu à peu à se vaincre par amour. Mais il y a une autre facette : un attrait pour tout ce qui est grand et beau, un cœur généreux, et déjà une ouverture à Jésus pour lequel elle veut vaincre, par amour, son « terrible caractère ».
Le 19 avril 1891, elle fait sa première communion, très soigneusement préparée.
A treize ans, elle décroche le premier prix de piano au conservatoire de Dijon.
Pendant l'été 1894, elle fait un vœu privé de virginité et ressent l'appel du Carmel, mais sa mère s'oppose fermement à ce qu'elle entre en religion avant sa majorité, 21 ans à l'époque. Elisabeth en souffre beaucoup mais rien ne transparaît à l'extérieur.
Elle mène la vie mondaine des jeunes filles de son milieu aisé. Elle est gaie, amicale. Elle participe aux réunions dansantes, mais elle a bien conscience au fond de son cœur que seul Dieu peut la combler et, sans effort, même au milieu des distractions ou des fêtes, elle s'unit à Lui dans la prière.
« Il est saisissant de constater que, très jeune, dans une vie laïque semblable à celle de ses nombreuses amies, elle connaisse une expérience si forte de la présence de Dieu et de son amour. » (Jean-Paul II)
Se sentant « habitée », elle demande des explications au Père Vallée, Dominicain, lequel lui révèle alors le mystère de l' « inhabitation » de la Trinité dans l'âme : lumière décisive pour elle de laquelle elle vivra jusqu'à sa mort.
Le Carmel
Le 2 août 1901, elle entre au Carmel de Dijon. Cette jeune fille, comblée de dons naturels, s'épanouit dans le silence de la contemplation, rayonnant du bonheur d'un total oubli de soi.
« Tout est délicieux au Carmel. On trouve le bon Dieu à la lessive comme à l'oraison. Il n'y a que lui partout. »
Puis, arrive l'épreuve de l'obscurité…
Mais toute la lumière revient avec sa Profession Religieuse, le 11 janvier 1903.
Elle fait une expérience profonde de la présence de Dieu qu'elle mûrit de manière impressionnante en quelques années de vie du Carmel.
Le 21 novembre 1904, elle écrit sa célèbre prière: « O mon Dieu, Trinité que j'adore… » Familièrement, elle appelle la Trinité « mes Trois ». Cette contemplative, loin de s'isoler, sait communiquer à ses Sœurs, à sa famille, à ses proches la richesse de son expérience mystique.
En 1905, elle découvre, grâce à saint Paul, que nous devons être « louange de gloire » pour le Père, « laudem gloriae » (Ep 1,6).
Pendant le carême de cette même année, elle ressent les premiers symptômes de la maladie d'Addison (insuffisance des glandes surrénales, maladie à l’époque incurable). Elle avoue que, naturellement, elle n'aime pas la souffrance, mais elle a conscience que cela lui permet de s'unir aux souffrances de Jésus pour nous.
Le jour de la fête de l'Ascension, elle entend, prononcées au plus profond d'elle-même, ces mots :
« Si quelqu'un m'aime, mon Père l'aimera et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure. » (Jn 14,23)
En même temps, les Trois personnes de la Sainte Trinité se révèlent à la malade en son centre le plus secret, et cette présence ne s'effacera plus… Ses dernières paroles, intelligibles, furent :
« Je vais à la lumière, à l'amour, à la vie. »
À l’aurore du 9 novembre 1906, elle rejoint l’Infini…
La Bienheureuse Élisabeth de la Trinité est fêtée le 8 novembre.
Son œuvre écrite comprend 342 lettres, un journal, 17 notes intimes, 122 poèmes et 4 traités spirituels.
Dans ses écrits, Élisabeth nous livre un message simple et profond, très actuel. Pourquoi aller chercher si loin une expérience du divin, quand le Dieu tout Amour est présent au plus profond de nos cœurs ? On ne l'atteint pas par des techniques de concentration. Élisabeth écrit :
« Je vais vous donner mon "secret" : pensez à ce Dieu qui habite en vous, dont vous êtes le temple (1 Co 3,16), c’est saint Paul qui parle ainsi, nous pouvons le croire. Petit à petit, l’âme s’habitue à vivre en sa douce compagnie, elle comprend qu’elle porte en elle un petit Ciel où le Dieu d’amour a fixé son séjour. Alors c’est comme une atmosphère divine en laquelle elle respire. »
Comme nous l’avons vu plus haut, Élisabeth a « goûté » le mystère de l’ « inhabitation » de la Trinité dans son âme. « C’est si bon, cette présence de Dieu ! C’est là, tout au fond, dans le Ciel de mon âme. »
Mais ceci n’est pas réservé seulement à une carmélite ; Élisabeth partage à sa mère, sa sœur, ses amis, laïcs pour la plupart, la merveilleuse découverte : tous appelés, tous aimés, tous enfants de Dieu par le Baptême, tous invités à la table de l'Eucharistie, tous peuvent se livrer à l'Amour...
« Je vous laisse ma foi en la Présence de Dieu, du Dieu tout Amour habitant en nos âmes. Je vous le confie : c’est cette intimité avec Lui "au-dedans" qui a été le beau soleil irradiant ma vie. »
Il me vient à l’esprit ce passage du Livre du Deutéronome où Dieu aimerait que sa Loi et sa Parole « vivent » dans le cœur de chaque Israélite :
« Car cette loi que je te prescris aujourd'hui n'est pas au-dessus de tes forces ni hors de ton atteinte. Elle n'est pas dans les cieux, pour que tu dises : "Qui montera aux cieux nous la chercher et nous la faire entendre, afin que nous la mettions en pratique ?" Elle n'est pas au-delà des mers, pour que tu dises : "Qui se rendra au-delà des mers nous la chercher et nous la faire entendre, afin que nous la mettions en pratique ?" Elle est tout près de toi, cette Parole, elle est dans ta bouche et dans ton cœur afin que tu la mettes en pratique. » (Dt 30,11-14)
Quelques jours avant sa mort, Élisabeth dit :
« Tout passe ! Au soir de la vie, l’amour seul demeure. Il faut tout faire par amour ; il faut s’oublier sans cesse : le bon Dieu aime tant qu’on s’oublie. Ah ! Si je l’avais toujours fait ! »
La jeune Carmélite fait sans doute écho à saint Jean de la Croix, Co-Réformateur de l’Ordre du Carmel :
« Au soir de la vie, nous serons jugés sur l’amour. »
Laissons le « mot de la fin » à Élisabeth de la Trinité :
« Voici le grand jour si ardemment désiré, de ma rencontre avec l’Époux. J’ai l’espérance d’être ce soir dans cette "grande multitude" que saint Jean vit devant le trône de l’Agneau le servant jour et nuit dans son temple. Je vous donne rendez-vous dans ce beau chapitre de l’Apocalypse, dans la vision en laquelle je vais me perdre pour toujours. » (cf. Ap 7,1-17)
Prière à la Sainte Trinité de la Bienheureuse Élisabeth de la Trinité
Ô mon Dieu, Trinité que j’adore.
Aidez-moi à m'oublier entièrement
pour m'établir en vous, immobile et paisible comme si déjà mon âme était dans l'éternité.
Que rien ne puisse troubler ma paix,
ni me faire sortir de vous, ô mon immuable,
mais que chaque minute m'emporte plus loin dans la profondeur de votre mystère.
Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel, votre demeure aimée et le lieu de votre repos.
Que je ne vous y laisse jamais seul, mais que je sois là tout entière, tout éveillée en ma foi,
tout adorante, toute livrée à votre action créatrice.
Ô mon Christ aimé, crucifié par amour,
je voudrais être une épouse pour votre cœur,
je voudrais vous couvrir de gloire, je voudrais vous aimer. . . jusqu'à en mourir !
Mais je sens mon impuissance
et je vous demande de me «revêtir de vous-même»,
d’identifier mon âme à tous les mouvements de votre âme,
de me submerger, de m'envahir, de vous substituer à moi,
afin que ma vie ne soit qu'un rayonnement de votre vie.
Venez en moi comme adorateur, comme réparateur et comme sauveur.
Ô Verbe éternel, Parole de mon Dieu, je veux passer ma vie à vous écouter,
je veux me faire tout enseignable afin d'apprendre tout de vous.
Puis, à travers toutes les nuits, tous les vides, toutes les impuissances,
je veux vous fixer toujours et demeurer sous votre grande lumière;
Ô mon astre aimé, fascinez-moi pour que je ne puisse plus sortir de votre rayonnement.
Ô feu consumant, Esprit d'amour,
survenez, en moi, afin qu'il se fasse en mon âme comme une incarnation du Verbe :
que je lui sois une humanité de surcroît en laquelle il renouvelle tout son mystère.
Et vous, ô Père, penchez vous vers votre pauvre petite créature,
«couvrez-la de votre ombre », ne voyez en elle que le « Bien-aimé en lequel vous avez mis toutes vos complaisances ».
Ô mes trois, mon Tout, ma Béatitude,
Solitude infinie, immensité où je me perds,
je me livre à vous comme une proie.
Ensevelissez-vous en moi pour que je m'ensevelisse en vous,
en attendant d'aller contempler en votre lumière l'abîme de vos grandeurs.
Blason de l’Ordre de Notre-Dame du Mont-Carmel
Fr. B